Extrait du journal

Feuilleton du Courrier de Bourges. — 14 février. MARGUERITE. Le 5 septembre 1557, le vent avait souillé toute la journée avec intensité sur la bonne ville de Paris ; aussi, le soir venu, les bour geois étaient-ils rentrés chez eux avant l'heure du couvre-feu. Les parpaillots et les tireurs de laine pouvaient seuls se partager ' > les rues, car la bise continuait à silller dans les girouettes. Dans une chambre basse de la rue Saint-Jacques, éclairée par une lampe de fer, aux meubles de chêne sculpté, au plafond traverse do larges solives, deux jeunes gens, les mains entrelacées, causaient à mi-voix. Une jeune fille de dix-huit ans, d’uno remarquable beauté, assise dans un grand fauteuil, contemplait un jeune homme dont la tête reposait sur ses genoux. Tous deux avaient l’air morne et abattu ; leurs traits contractés exprimaient un ennui profond. Le jeune homme était pâle comme un lys ; une sombre inquiétude se lisait sur son front ; son regard nageait dans un vague indéfini et semblait chercher quelque image insaisissable ; ses sourcils se con tractaient par instant avec violence, et son visage ne reprenait sa sérénité et sou calme que quand ses yeux se fixaient sur Marguerite. Ce jeune homme s’appelait Henri ; il pouvait avoir vingt-huit ans ; sa taille moyenne était bien pr'se, sa tournure distinguée respi rait le gentilhomme, et pourtant scs habits de drap annonçaient un bourgeois. Marguerite ne connaissait pas d’autre nom à celui qu’elle nommait son bicn-aimé. Quoique la jeune fille eût interrogé souvent le jeune homme à ce su jet, celui-ci lui avait toujours répondu qu’il était le fils d’un bour-...