Extrait du journal

i. Il fut un temps où le mortel désireux de se transporter d’un lieu b un autre n’avait pas à sa disposition ce merveilleux agent appelé la va peur, puissance terrible que l'homme a cependant su vaincre, et qu’il emploie maintenant à son gré. En ce temps-là, pour aller de Rnffee à Angoulême, par exemple, on avait à choisir entre trois modes ordinaires de locomotion : la malle-poste de Paris à Bordeaux, qui passait à Ruffec à deux heures du matin ; la diligence charentaise, parlant de Rnffee au petit jour, et enfin, — troisième moyen, accessible à toutes les bourses, mais non à tous les tempéraments, — les jambes. Or, par une soirée d’avril 1835, soirée triste et nébuleuse, un voya geur sortait de Ruffec et prenait la route d’Angoulême. Peu disposé, paraît-il, à attendre le passage de la malle ou le départ de la diligence) et médiocrement curieux, d’un autre côté, de faire le chemin à pied, notre voyageur montait un beau cheval brun, qui, frais et dispos, bat tait le cailloutis d’un trot rapide et régulier. Le ciel était chargé de gros nuages noirs qui roulaient les uns sur les autres, poussés par un vent violent. De temps en temps, une large goutte de pluie tombait, comme pour annoncer l’orage qui se préparait. Il fallait que le cavalier fût en vérité bien pressé d’arriver au but de son voyage, pour s’êlre aventuré hors de la ville par un semblable temps. Cependant, vingt minutes après son départ, le voyageur traversait Vtllegasl, petit bourg qui eût pu lui offrir un abri, s’il avait eu l’inlenlion de s’arrêter ; mais malgré le vent et malgré la pluie qui commen çait à tomber d’une manière incessante, l'intrépide personnage conti nuait sa route, aiguillonnant son coursier de l’éperon et de la voix....