Extrait du journal

(La reproduction est interdite en France et à l'étranger.) IV. Le comte de Montussan, par son nom et sa fortune territoriale, était un des notables propriétaires de l’Entre-deux-Eaux. On désigne ainsi le pays compris entre les deux étangs d’Arcachon et de Cazau. Le domaine de Montussan appartenait en 1815 au vieux comte. Ce vénérable châtelain vivait au milieu de ses télescopes et de ses cartes célestes, l’astronomie étant son unique passe-temps. Eclairé sur l’inanité des espérances d’tci-bas où l’avenir se fermait pour lui, il se plaisait à rapprocher, par ses faibles conceptions, le ciel et ses mondes. Toute fois, disons-le bien vite, afin que les gens sérieux n’en soient pas préoc cupés, ce n’était point l’astronomie savante, approfondie, tendant audelà, qui captivait de la sorte l’existence du vieillard. Le bonhomme se bornait à une astrologie amusante. Quelquefois, cependant, sa science s’aventurait à indiquer des éclipses, à annoncer des comètes ; prédictions que l’almanach confirmait rare ment. En définitive, ce vieux personnage était un assez piètre sire dont nous nous occupeiotts sobrement. Mais, ce qui dans le pays faisait considérer le vieux châtelain bien autrement qu’aurait pu le faire sa réputation de savant, c’était ses trente mille livres de rente qui, adjointes au revenu de la propriété des landes et à celui d’une autre terre qu’il possédait dans le Morbihan, pouvaient bien atteindre le chiffre de cinquante mille francs. Pareille fortune n’est à Paris qu’un prétexte à dettes ; pour un campagnard c’est une aisance. Et quoique le comie passât presque tout son temps dans une petite tourelle en compagnie des oiseaux et des chats du nuit qui la hantaient...