Extrait du journal

dans la moindre bourgade montagnarde, et dans le moindre chef-lieu de canton, un Front des races et des misères "qui se Car, — et c’est mon rôle de le crier — il n'est pas vrai que la haine soit éternelle. Il n’est pas vrai, malgré les rudes évidences, que le Juif soit le paria pa tenté de la civilisation. Il n’est pas vrai que les théories, fus sent-elles confirmées par mille faits et mille exemples, soient valables en Algé rie alors qu elles ne le sont plus dans la France « métropolitaine ». Cette «tournée » dérange des combi naisons savantes, déroute des affirma tions primaires, détruit des tranquillités fallacieuses, dans la mesure où elle sou lève, chez les désespérés (et l’on s’effraie d’en rencontrer autant) une ferveur pres que religieuse. Etrange pouvoir de la parole quand bien même elle serait trébuchante, du moment qu’elle est servie par la foi, du moment qu’elle est étayée par une ré solution inébranlable ! Je viens et dis, en oubliant volontairement les conseils dont on m’accable : — Voyez, je suis fait comme vous pétri du même limon, animé des mêmes appétits, écrasé par les mêmes faibles ses. Mais j’ai, pour moi, l’immense grâce de servir et de n'être pas trompé par les idées auxquelles je me suis voué « Le bastion algérien ne nous fait pas peur. Vos incompréhensions seront ba layées. Vos préjugés seront emportés comme ils l'ont été ici, là, comme ils ne peuvent pas ne pas l’être. L'Algérie, symbole encore trop insolent du racisme et de l’antisémitisme, sera, par nous, régénérée, deviendra, par nous, le sym bole magnifique de la tolérance et de la paix entre les races. « Français de France, Maltais, M abonnais, Espagnols, Italiens, Français algériens, et vous. Musulmans, Arabes, Kabyles, Mozabites que je vois errer sur les routes rocailleuses, fiers de vos croyances, fiers de vos loques, fiers de vos malheurs, la L.I.C.A. vous apporte le salut en vous apportant la vérité. » S Et voici le miracle. Les poings serrés se détendent, les bouches contractées par le mépris s’ouvrent pour sourire, _ les cœurs simples et stériles se gonflent d une espérance naissante, les regards prennent la douceur parfaite de l'enfance. On me rétorque : — Mais demain ? Casse-cou, car vous partez et les autres restent ! Comme si un homme parti suffisait pour changer la face du monde ! Les sections se créent, les comités sont mis sur pied, les cellules de fraternité commencent à vivre. Je suis parti de Tu nis, de Sousse, de Bône, de Constantine, de Sétif, de Médéa, d’Affreville, de Miliana. Je partirai d’Alger, de Blida, d’Orléansville, d'Oran, de Tlemcen, de Mascara, de Tiaret, de Sidi-Bel-Abbès, du Maroc. Là où je ne suis plus, l’ef fort persistera, les travaux s’organiseront. On a ensemencé. Déjà, 1 on récolte. De main, l’Algérie sera vraiment libérale,1 humaine et démocrate. Amis de France, espérez ! Bernard Lecache....