Extrait du journal

Ibn-Gassen m'honorait d'un brin d'amitié confidente, et' j'en étais fier. La barbe grise et ronde, le ventre opulent, les mains dodues, il jouissait à Damas d'une estime considérable, car il avait vu La Mecque, ainsi qu'en témoignait son turban vert, et il en retirait la certitude de monter au ciel, tout droit, comme une flèche bien lancée et non comme un ballonnet de baudruche dont se gausse la brise. Bien qu'il fût certain d'y aller même s'il commettait tous les péchés que dénonce le Prophète, il ne se laissait cependant pas entraîner par les passions, n'en voulait pas aux richesses d'autrui, et'se gardait de tous les débordements propres à rapprocher l'heure bienheureuse de sa sanctification. Du reste il possédait des biens capables dé rendre un homme heureux une piété solide, un estomac loyal, une philosophie souriante, le goût des vieux livres et, dans la Ghoûta, .quatre jardins d'abricotiers et' de noyers. Après ses dévotion à la Mosquée des Oruniades, il flânait dans les hauts souks pleins de fraîcheur, de bruit et de gaîté, où toute la vie de Damas' afflue comme le. sang à un cœur....