Extrait du journal
Le proverbe dit : soleil de janvier ; niais la crainte de l'actualité, qui,,est le comjQMQ&ejqeat. du journalisme, m'oblige "à imodifiér 'la formulé;- Daps le moment que je mettais la main à la plume, com me s'expriment les militaires, pour écrire ce billet, il se glisse entre deux nuages et brille à ma fenêtre en tre deux giboulées de mars. L'aubaine est si rare que je ne résiste pas au plaisir de lui consacrer mes premières lignes, comme une libation ; mais ce n'est pas du tout de lui que j'avais dessein de parler. Heureusement, l'association des idées et la sagesse des nations me ramènent à, mon propos. Le dicton que j'allais citer quand l'esprit de digression m'a interrompu, n'est-il pas : « Soleil de janvier (ou de décembre) qui n'a ni force ni vertu » ? La vertu était justement le sujet que j'avais choisi. Elle est à l'ordre du jour. Je ne crois pas que depuis la Terreur, où pour un oui, pour un non, elle était admise aux honneurs de la séance, elle ait jamais eu plus officiellement la vedette. Jeudi prochain, en séance publique, .l'Académie française la comblera de récompenses, oubliant une fois de plus — Dieu merci — que la vertu ne veut pas être récompensée ; et notre Parlement passe une de ces crises de probité financière qui font l'étonnement et l'admiration de tous les peuples dotés ainsi que nous d'un régime représentatif. La coïncidence est purement fortuite, et j'ai trop d'indifférence à la politique, "trop d'attachement à l'Académie pour hasarder un parallèle q(ui serait impertinent. Mais je me mets à la place dé la Vertu... hélas ! c'est une autre impertinence. Ifant pis. Mon imagination lui prête une forme et un visage ; bref, je la per sonnifie. Elle me rappelle étrangement une femme dont le beau temps fut le Second Empire, qui avait pour emblème la violette, comme Marguerite Gau tier le camélia... Et voilà une troisième imperti nence ; car la dame aux violette^ n'était pas une vertu, pour que j'ose la comparer à la Vertu. Elle était du moins modeste ; enfin, elle avait en horreur la moindre publicité, et j'ai idée que la Vertu est ainsi. De la part de la Vertu, il y a un peu d'ingratitude envers 1er sort* qui lui a ménagé dans la société des hommes une situation privilégiée, une situation unique. N'est-elle pas la seule absente qui n'ait jamais tort ? Il faut bien avouer qu'elle est presque toujours absente, et les plus médisants n'osent en dire que du bien ! Elle préférerait qu'ils n'en dissent ni bien ni mal. Elle fait volontiers une exception en faveur de l'Académie, où elle se sent en sécurité. Elle n'ignore pas que les dossiers que l'on entr'ouvrira jeudi sont un monument à l'honneur de la France, et qu'il convient de les publier, ne fût-ce que pour justifier ce loyal hommage dont, pous remgrçions M. Frie drich Sieburg : « La race française est parfaite ment saine. » Mais il y a dossiers et dossiers. Ceux d'une commission d'enquête parlementaire n'inspi rent à la Vertu qu'une confiance médiocrèV Doit-on le dire ? Elle n'approuve pas sans réserve le grand principe de Napoléon, qu'il faut laver son linge sale en famille ; elle craint qu'en famille, on n'an nonce toujours la lessive pour demain. , Il me souvient d'une artiste, dont le talent était certain, dont le raffinement était douteux, que je rencontrai un jour, précisément chez la dame aux violettes, et qui nous entretint fort peu des pièces qu'elle jouait fort bien, mais fort abondamment de son cabinet de toilette, où elle passait, disait-elle, sa vie. Quand elle fut partie, notre hôtesse me dit en riant : — Pourquoi parle-t-elle tout le temps de ses bains ? Un bain, ça se prend, ça ne se raconte pas. Àbel Hermant, de l'Académie française....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - marcel doret
- léon bérard
- renaudel
- stresemann
- etampes
- dingeldey
- raymond poincaré
- marcel espiau
- frie
- napoléon
- allemagne
- berlin
- versailles
- france
- genève
- paris
- sarre
- cour
- europe
- suisse
- la république
- parlement
- académie française
- mayence
- quai d'orsay
- l'assemblée
- union
- ville sa