Extrait du journal
Cette heure qui passe, qui.passe si yite-e'ntre l'année déjà défunte et l'année presque éclose, quelle magie la revêt pour nous d'une idéale gravité ? Nous avons beau savoir que les divi sions du temps sout tout artificielles, que l'humaine fantaisie les a souvent déplacées au cours des siècles ; nous ne pouvons point nous empêcher d'imaginer la ligne qui partage deux années, et, le long de cette ligne, une halte irréelle ; nous voudrions ménager un répit au rêve entre deux tumultes ; nous jetons une suprême imploration au temps : « Suspends ton vol ! » Hélas ! la vie ne se peut ralentir sans s'éteindre ; elle ne subsiste que par son mouvement. A peine avons-nous lancé notre vœu que nous sommes entraînés plus loin ; insensiblement, l'heure a passé ; nous avons touché la cime de la dernière minute et] tout de suite, roulé de l'autre côté ; l'an nouveau a commencé insidieusement de nous sourire. " C'est sur un sourire aussi que l'année — l'année dernière ! — avait voulu finir. Un soleil printanier enveloppait Paris et rayonnait aux éventaires ambulants des marchandes de fleurs ; il caressait, en banlieue, des bourgeons factices. Une mélancolie dorée, qui n'était point sans plaisir, caressait aussi les âmes. En ces heures sereines, elles montaient, d'Un faible envol, aux balcons du ciel'qu'un soir de tristesse Baudelaire suspendit dans les nues. Aux regards de l'âme, tout le passé, qu'elle a vécu apparaît de là-haut comme un vaste paysage ; il dort dans un brouillard ; mille fantômes y rôdent. L'âme s'en détourne vite pour interroger le visage de l'année nouvelle. Ce visage, quel sera-t-il ? C'est la question que chacun se pose en ces premières heures où il pommence à peine d'émerger hors des brumes. La survenante nous apportera, n'est-ce pas ? des revanches pour toutes les déceptions mal éteintes, des rires pour toutes les larmes , mal essuyées, des certitudes pour tous les doutes, et des promesses, et des espoirs. Aux balcons du temps, entre les deux années, l'âme inquiète, quelques heures a prolongé sa rêverie ; elle en descend sereine ; elle aborde l'année neuve avec bonne buméur ; elle lui fait confiance. Il le faut bien, puisque nous arrêter d'espérer, ce serait nous arrêter de vivre. Maurice Levaillant....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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