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Le Figaro, 1 septembre 1906

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Le Figaro
1 septembre 1906


Extrait du journal

Jamais femme ne tomba de plus haut que. Blanche-Marie Scappardone, comtesse de Challant, et ne fut plus surprise de sa chute. Confiante en la force victorieuse de sa beauté, pleine de mépris pour les hommes qu'elle voyait haleter derrière elle, faisant d'ailleurs peu de cas du plaisir qu'elle cherchait en vain dans leurs bras' elle avait plongé sa jeunesse dans le vice et dans le crime. Superbe, cruelle et souillée, elle passait d'amant en amant, d'un meurtre à l'autre, invoquant le poignard de celui qui commençait à plaire contre celui qui ne plaisait plus, punissant de mort une parole déplaisante ou l'éternelle déception que chacune de ses aventures renouvelait en son âme pareille, en quelque sorte, à cette sphinge des anciens mythes qui déchirait ceux qui ne pouvaient la satisfaire, et que %iul ne contentait jamais. En sorte que Milan était remplie de ses scandales. Sans doute, dans les courts moments de répit que lui laissait sa vie, dans ces heures de tristesse et de dégoût qui se mêlent aux dissipations, elle songeait à cette colère céleste dont les prêtres menacent nos excès. Mais elle comptait sur sa vieillesse pour se repentir. D'ailleurs, elle croyait s'être mise en règle de ce côté-là en faisant décorer à grands frais l'église de ceMonasterioMaggiore, consacrée à saint Maurice, où les galants et leurs belles aimaient à se rencontrer vers la fin de l'après-midi. Richement payé par elle, maître Bernardirio, de Luino, avait couvert les parois des chapelles, et celles même de la sacristie, de si merveilleuses peintures, qu'aucune indulgence ne pouvait manquer à la pécheresse qui les avait commandées. D'autant plus qu'elle les avait aussi inspirées on la reconnaissait sous les traits de la dame pieusement agenouillée, son missel à la main, aux pieds de sainte Scolastique qui tient au-dessus d'elle une branche de lis (et ce symbole de la pureté sur ce front débauché n'avait pas laissé que de prêter à certaines plaisanteries); on retrouvait l'éclair fauve de sa chevelure et l'éblouissement de son teint dans la tête inclinée de la sainte Catherine que le glaive du bourreau va trancher, comme encore son sourire'sur les lèvres de la mystérieuse sainte Lucie, qui marche d'une si belle allure, en portant ses yeux arrachés. Sa beauté rayonnait sous le, pinceau du vieux maître, dont elle avait certainement remué l'âme et réveillé la jeunesse. Et certes, avec sa haute taille droite sous la charge des années, sa longue barbe d'argent, la noblesse de son profil sévère et régulier, maître Bernardino était plus beau que bien des jeunes damoiseaux. Mais il n'était qu'un de ces artistes auxquels on donné de l'argent pour leur travail et Blanche-Marie, fille d'un usurier de basse naissance, n'accordait ses faciles faveurs qu'à des gentilshommes. Aussi, après avoir encouragé par quelques coquetteries l'amour qu'elle devinait dans ces yeux profonds, le repoussa-t-elle avec une hauteur méprisante dès qu'il tenta de se manifester....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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