Extrait du journal
« Les colonies viennent à nous, vivent les colonies ! » Ainsi s'exprimait ces jours-ci un de nos confrères, sa luant avec enthousiasme l'ouverture de l'Exposition. L'on aime ce cri du cœur, car il contient un aveu tout dénué d'artifices. Jamais, en vérité, nos colonies n'ont été plus belles que depuis qu'elles tiennent dans un petit espace, aux portes de Paris, et qu'il est possible, sans se fati guer trop, de les parcourir en tous sens et d'en faire deux fois le tour dans la même journée. Le Français, qui est casanier et qui n'ignore pas que « partir, c'est mourir un peu», les entrevoyait, hier encore, dans un lointain mi rage; mais bien que la montagne ne vînt pas à lui, il se souciait assez peu d'aller à la montagne. Et voici que le miracle s'est accompli. La montagne est venue ! Une fierté de propriétaire, aussitôt, a envahi les cœurs. Les colonies à portée de sa main : le Français, qui est un « animal à deux pieds, sans plumes », mais qui ne sait guère la géographie, a pris soudain conscience de sa ri chesse, et la confiance lui revient. Il n'en faudra pas plus, peut-être, pour conjurer la crise des affaires. L'imagination aussi s'en mêle. Notre âme est un trois-mâts, cherchant son Icarie, se répètent volontiers, après le poète du Voyage, les con quérants ivres d'un rêve pour le moins héroïque qui par tent pour Vincennes. Et le soir, rentrés au logis, après une journée d'exploration merveilleuse, il ne sera pas Desoin de les pousser beaucoup porr qu'ils nous redisent : A'ous Avons salué des idoles à trompe ; Des trônes constellés de joyaux lumineux ; Des palais ouvragés dont la féerique pompe Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ; Des costumes qui sont pour les. yeux une ivresse, Des femmes dont les dents et les ongles sont peints Et des jongleurs savants nue le serpent caressé... Ne sourions pas trop. Plus d'un, que les magiciennes auront séduit, pourrait bien ne pas se résigner à la sé paration et il y en aura, quand nos Colonies s'en retour neront chez elles, qui les suivront au bout du monde. De nombreux visiteurs de l'Exposition promènent déjà avec orgueil, dans les allées du bois de Vincennes, le casque colonial, quelques-uns ne trouvent même plus ridicule de s'en coiffer dans' Paris. Combien ne s'en doutent pas en core, qui ne le quitteront plus de leur vie. Jacques Patin....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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