Extrait du journal
Le poème simultané Notre temps aura vu bien des choses, et je ne dis certes point qu'elles soient toutes neuves. Il aura vu, par exemple, le poème simultané. Je n'insinue pas qu'il l'aura entendu, encore qu'il l'ait, peut-être, écouté. ' Vous savez ce que c'est. Non ? Vous feignez l'ignorance pour que je me mette en peine de définir cet objet, qui ne devrait avoir de nom dans aucune langue. Imaginez donc une poésie et qu'on en dise à la fois plusieurs vers ou fragments de vers. r — Eh ! je voudrais bien vous voir, ou plu tôt vous entendre, au moment que vous pro-. nonceriez seulement deux mots à la fois. Essayez de dire au même instant : gendarme et carafe. Peut-être que, si vous ressembliez à la déesse Renommée, laquelle avait cent bou ches, vous pourriez dire cent syllabes à la fois ; mais je pense précisément que cette divinité, si elle choisissait un nom, toutes ses bouches le criaient, et n'en proféraient aucun autre, afin qu'il devînt aussitôt glorieux parmi les mortels. — Je l'entends bien. Mais il ne se faut point cabrer de la sorte à toutes les nouveautés. Il convient de les considérer d'abord et de ne les rejeter point sans examen. Si nous avons deux vers à faire entendre à la fois, nous nous mettrons "a'deux, et chacun do nous en dira un seul. — Je ne saurai donc lire votre poème, dans ma bonne solitude, au coin du feu ? Et il me souvient, sur ce propos, d'un dialogue qui me paraît tout à fait conforme à vos desseins. On y écoute deux personnages, qui parlent à la fois ; et pendant que l'un dit : « Vous sou haiter, Monsieur... », l'autre voudrait qu'on en tendît : « Et j'aurais souhaité... ». Je ne m'égare pas et l'auteur à pris soin d'indiquer en son ouvrage : « Ils parlent tous deux en même temps. » Il a même ajouté, et je ne songe point à soutenir qu'il ait voulu railler la découverte dont vous m'entretenez, qu'ils « s'interrompent et confondent ». C'est la voix même de la sagesse ; et vous ayez reconnu Molière réglant une scène du Malade imagi naire. Le voilà bien, le vrai poème simultané ! U y a d'ailleurs fort longtemps qu'il est connu: c'est un chœur d'opéra — mais privé de mu sique ; et vous ne me défendrez pas de trouver charmant qu'on veuille rénover la poésie fran çaise sous le signe de M. Scribe. Les livrets de la Dame Blanche, du Prophète seront, dès demain, mes livres de chevet, s'ils sont, à vous suivre, l'évangile de nos. poètes nouveaux. On ne songe plus assez que si nous sommes pourvus de deux oreilles, nous'n'avons qu'une tête et qui ne saurait entendre deux discours à la fois, et trois moins encore. Qu'elle écoute, tmisse et goûte plusieurs notes au inême ins tant, qui en peut douter ? Et flûtes et violons font le plus doux des ramages et parfois le plus émouvant. Mais l'on oublie un peu trop que s'il est aux mots une musique, ils ne sont point seulement des corps harmonieux : ils por tent les idées. On se soucie bien des idées ! Notre siècle, est une autre Babel où les arts se trouvent confondus. C'est pour cela sans doute qu'il ne lui déplaît point, à chaque heure du jour, qu'on le proclame synthétique... U croit, et sans métaphore, qu'une aquarelle est une symphonie, qu'un bronze est une métaphy sique et donne le nom de poème simultané au dialogue d'Argan et de Diâfoifus. 'Tristan Dercme....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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