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Le Figaro, 3 octobre 1932

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Le Figaro
3 octobre 1932


Extrait du journal

On commence à penser — et l'on a mis le temps à s'émouvoir, si tant est qu'on soit réellement ému — que la liste des évasions de condamnés ou de prévenus s'allonge déme surément. Il n'est presque pas de semaine où l'admi nistration n'ait l'embarras de nous annoncer qu'un prisonnier a recouvré la liberté par ses propres moyens. Aussi bien dans les établis sements civils ou militaires qu'à la Guyane ou simplement à bord d'un paquebot, des indi vidus menacés des foudres de la magistrature ou frappés par elles parviennent, avec une aisance déconcertante, à fausser compagnie à leurs gardiens. Le public est à tel point habitué à ces sortes d'incidents qu'il arrive à les considérer comme naturels et les accueille avec le sourire. Il y a pourtant là un danger qu'on aurait tort de se dissimuler : la justice bafouée cesse peu à peu d'être opérante. Les évasions du bagne apparaissent particulièrement graves. Déjà nos cours d'assises, par leurs verdicts débonnaires, concluant fréquemment à des acquittements inexplicables, ont calmé les appréhensions des gredins et encouragé leurs méfaits. Et la perspective de l'évasion vient renforcer la confiance des mauvais garçons. Ils savent, par des exemples réconfortants, que s'ils ont la malechance de ne pas échap per aux rigueurs occasionnelles de leurs juges, ils se débrouilleront à Cayenne pour revenir, avant qu'il soit longtemps, sur le théâtre de leurs opérations. Un homme "politique éminènt, que l'exercice prolongé du pouvoir a pourvu d'une expérience indiscutable, a osé dire du haut de la tribune de la Chambre qu'il y avait dans la justice de notre pays « quelque chose de pourri ». Le parlementaire en question n'a sans doute pas changé d'avis. Pour notre part, nous ne le suivrons pas sur ce terrain. La généralisation, si elle s'im pose dans le domaine des idées, jette dans celui des faits l'imprécision. C'est donc au service pénitentiaire, seul en cause, que nous renvoyons la phrase shakes pearienne. Et qu'il ne songe pas à se tirer d'affaire par des communiqués administratifs ; il n'y gagnerait rien. Son unique moyen de se disculper consiste à clore, une fois pour toutes, la série déjà trop longue des évasions....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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