Extrait du journal
Dans le Journal intime de l'amiral Bijrd, que publie /'Intransigeant, j'ai lu ces lignes : « J'ai joué aujourd'hui au « solitaire Canfield » et j'ai tiré à deux reprises dix cartes. La plus belle réussite que j'aie faite depuis vingt ans ! Pourtant j'avais battu le jeu très consciencieusement...» C'est un trait délicieux. Que l'amiral Ri chard Bijrd qui devait demeurer sept mois tout seul dans les ténèbres du pôle se soit fait des réussites pour passer .le, .teiHP^ pMtà. -.qui -es* bien naturel. Qu'il le note sur son Jour nal, c'est encore une observation que chacun de nous pourrait faire. Ce qui est plus exceptionnel, et d'une gentillesse accomplie, c'est d'assurer « qu'il avait battu le jeu très cons~ ciencieusemént ». Ce trait-là est à la fois héroïque et puéril. Il me ravit. Comme on apprécie, comme on se sent tout de suite l'ami de l'homme qui dans le danger éprouve le besoin de noter qu'il avait battu les cartes « très consciencieusement » ! Je n'en doute pas. L'homme qui prend les risques qu'a su prendre ce conquérant du pôle n'est pas de. ceux qui trichent avec le sort. Oh ! je sais bien qu'il peut ne pas s'agir là seulement d'une falsification orgueil leuse. Donner un coup de pouce au destin, ne pas battre les cartes « très consciencieusement », c'est quelque fois vouloir s'apporter un appui moral nécessaire, c'est vouloir boire un tonique. Etre seul, au pôle, savoir que la mort n'est pas loin, que tou tes sortes d'imprévisibles vous sé parent déjà du monde, ce n'est pas une situation très réconfortante : on peut souhaiter une parole d'encou ragement de ces petits visages que l'on serre dans ses mains : pique, carreau, cœur... Et de là à ?ie plus battre les cartes très consciencieuse ment il n'y a guère... Mais, précisé ment, l'homme héroïque va jusqu'au bout et ne peut se satisfaire d'un de mi-présage. Il lui faut des réussites sans complaisances. Je comprends cela. Je n'ai guère fait de « patiences » par oisiveté ; mais j'en ai fait.par inquiétude. Cette voix du sort en vaut bien une autre et tout ce que peuvent vous dire les saqes sera-t-il plus vrai que cette manifestation du hasard, cette bonne ou cette mauvaise chance appliquée à une figure des cartes ? Je me rap pelle un séjour que je fis, aux lende mains de la guerre, dans un hôtel des bords du Léman. Il ;/ avait là une reine et des princesses en exil, un ambassadeur en disponibilité, des seigneurs russes à l'abandon. Le soir, souvent, je voyais ces personnes •s'asseoir toutes seules et sous la lam pe, de leurs mains fines et lasses, interroger les cartes en de longues « patiences ». Qui donc, mieux que ces rois ou ces reines en images, au raient pu leur prévoir l'avenir ? Quel prophète ou quel fou ? Jamais je n'ai d'ailleurs aussi bien compris la fragilité du pouvoir en ce monde. Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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