Extrait du journal

Restaurants - Couloirs L'esprit commercial, rapace Et de plus en plus inventif, Utilise le moindre espace ; Saisit n'importe quel motif Pour s'enrichir, tâche sacrée. Ainsi chaque jour il se crée Dé minuscules restaurants Où dans une chaleur mortelle On empile la clientèle Comme on encaque les harengs. Ces couloirs aux airs de cavernes Où chaque hiver nous admirons Les ruc[e£ enfants des Arvernes Y faisant griller leurs marrons, En lieux de repas on les change. Des délicats (snobisme étrange) Y mangent peu pour beaucoup d'or. Et tant mieux si c'est incommode, Car voilà la dernière mode : Mal dîner dans un corridor !... _ Jadis les auberges françaises N'étaient admises des gourmets Que si le ventre avait ses aises Autant que l'esprit... Désormais Assis, de biais, près d'une table Elégamment inconfortable, Aux accents d'un jazz sans merci, Le riche client qui s'installe Non sans douleur intercostale, Mâche un entrecôte-Bercy... Pour que l'on vienne en théorie Manger comme bœuf du cheval, Il suffit que l'Hostellerie Ait un aspect médiéval. Cet S dont se pare l'enseigne Permet qu'à la bourse l'on saigne Les passants naïfs ; et, parmi Les poires, le dîneur prodigue, Comme le père de Rodrigue, Soupire : — « 0 vieil S ennemi !.. » Hugues Delorme. AUJOURD'HUI : Supplément littéraire...