Extrait du journal
L'inspecteur Mariani a été révoqué. « Il était temps », penseront les gens simples que nous sommes. Il a fallu réunir une commission, nommer un rapporteur et pro céder à l'examen du dossier. Après quoi, l'on a pu, grâce à une procédure d'extrême urgence, qui est, parait-il, une disposition récente, on a pu révoquer M. Mariani. Le motif de la sanction ne nous a pas été celé : M. Mariani est frappé pour « incon duite notoire,»... J'avoue «jriz'inconduite notoire m'en chante. Inconduite, notoire, par la conjonc tion et la propriété des termes, vous a un petit air classique qui certifie la distinc tion des juges. La formule précise du même coup, en deux mots, que cette incon duite a paru, coupable au moment seul où elle a rempli les journaux, qu'auparavant elle semblait naturelle à ceux qui en avaient connaissance ? M. Mariani n'avait pas alors à souffrir de sa réputation : ses notes étaient excellentes. Il a. fallu la notoriété pour brouiller ses intérêts et interrompre sa carrière. Cela signifie apparemment que l'inconduite seule n'y eût pas suffi, que c'est le « notoire * qui a tout gâché. Les journaux sont vraiment de bien ' grands coupables. « Malheur à ceux par qui naît le scandale », affirme à peu près un texte saint... J'apprécie également le terme d'inconduite. Il conservait à mes yeux, bien à tort, j'en conviens, un sens d'égarement. Il m'évoquait de jeunes filles qui n'avaient pas su écarter les tentations, ou, à la ri gueur, des histoires de femmes, de cham bre zélées, mais légères... « Je n'ai pas pu la garder. Son inconduite !... » disaient nos mères qui n'employaient pas encore des mots- déshabillés. « Inconduite », adouci par l'usage, dans nos esprits, un peu vieil lot, sentait aussi le pardon après les crises de larmes.et des « Je ne le ferai plus », pleins de regret. Les chefs de M. Mariani viennent de lui rendre en un jour sa force et sa vertu, si l'on peut dire. Nous savons maintenant ce que c'est qu'une inconduite. On savoureux dessin■ d'Abel Faivre montre Mariani tirant mille objets de ses poches et débitant : « Voici des.timbres fiscaux, de la morphine, de la coco et des femmes pour San-Francisco... » Voilà l'inconduite pour un serviteur de l'ordre. Il s'agissait de s'entendre ; mais fallait-il encore que cette précision devînt notoire. Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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