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Le Figaro, 6 septembre 1913

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Le Figaro
6 septembre 1913


Extrait du journal

Et c'est dommage, car aux mains d'un romancier, si j'ose dire, Mme Modianne (on permettra que je déforme un peu son nom) eût été le plus admirable des « sujets ». A l'époque où j'eus l'hdnneur de lui être présenté par une amie commune, il y a une vingtaine d'années, elle était d'une extraordinaire beauté; grande, blonde, mince, assez pâle, les traits d'une infinie délicatesse, et des yeux pâmés qui semblaient dire « Je t'adore » à tous les passants. J'en fus bouleversé la première fois que je la vis. La seconde fois, je m'aperçus qu'elle jetait un regard pareil au garçon de bureau qui m'avait passé sa carte, et je compris qu'il n'y avait aucun compte à tenir de cette indication. Avec cela, une grande souplesse de gestes, la voix caressante, un sourire enfantin, charmant, qui découvrait de petites dents .jolies, sauf une, l'incisive de gauche qui était cassée. Mais cela lui allait bien. Je l'ai remarqué quelquefois il y a des imperfections physiques qui s'harmonisent si bien avec certaines nuances du caractère qu'elles parent l'être au lieu de l'enlaidir. Mme Modianne avait des gaîtés de petite fille, et, dans l'esprit, comme un côté d'espièglerie « bébète qui appelaient cette dent cassée. On pensait en la regardant sourire « Elle a dû se faire ça en jouant aux quatre coins. » Cependant, il y avait du drame dans sa vie. Elle avait été mariée très jeune à un marin qu'elle n'aimait pas. Une indiscrétion me l'avait appris. Elle sut que je savais. Alors, elle me fit des confidences. Elle ne reprochait rien à son mari, oh! non. Belle carrière; un honnête homme et très bon, très indulgent; mais quoi Trop grave, et bien âgé pour elle; absorbé par son métier; et puis un peu fruste; ignorant de ces gentillesses dont une âme de sentimentale a besoin l'irréprochable mari à côté de qui l'on bâille, et qui ne comprend pas. Il v a des choses qu'on ne peut pas dire....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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