Extrait du journal
Messieurs les astronomes nous mettënt en ce mo ment-ci l'étoile à la bouche, si j'ose dire. Ils nous parlent de comètes, de chevelures lumineuses, d'étoiles filantes, enfin de tous ces célestes prodiges qui sont les feux d'artifice des nuits d'août. Mais, de toutes ces féeries nous, pauvres terriens qui n'avons pas tou jours l'œil au guet au centre des puissants appareils des observatoires, nous ne voyons rien... rien que de l'eau. Car le ciel d'été n'est que.nuées lourdes de pluies, de grêles, d'orages et des séries d'éclairs que l'on peut, qua lifier de « jupitériéns » tant ils étaient terribles et annonçaient de divines et irascibles foudres, furent nos spectacles quotidiens. Nous eûmes, soyons équitables, deux nuits de pleine lune qui nous rendirent le goût de regarder en haut... Mais, la dernière finit dans le ton nerre et l'avalanche de l'avçrse diluvienne, et nous fûmes condamnés, derechef, à regarder à nos pieds, afin de ne pas les tremper dans les torrents et dans les flaques. Et pourtant, autrefois nous regardions le ciel, nous goûtions la splendeur palpitante des nuits d'août et de septembre. Elles étaient tièdes, veloutées, délicieuses, tra versées de parfums sombres. Il y a fort longtemps de cela, il est vrai.-Etait-ce dans une autre planète ? Etait-ce en un autre monde ? C'était, :en tout cas, une époque, aujourd'hui bien démodée, où les sports et les casinos n'étaient • pas indispensables aux vacances de la jeu nesse. Les gens mûrs ne jouaient pas au bridge. La T. S. F. et le phonographe n'étaient pas d'usage courant et, lors qu'on voulait entendre du Wagner, au lieu d'écouter paresseusement un des beaux disques de Bayreuth, il fallait que les musiciens de la réunion s'accommodent d'un vieux piano pour y jouer, à quatre mains, la Mort d'Yseult. Pas de cinémas, non plus, dans.les voisines bour gades. Les jeunes filles se divertissaient avec des ' jeux de lumière et d'obscurité à susciter, sur un mur, les ombres de leurs danses, de leurs attitudes, de leurs écharpes !... Et les parents trouvaient cela charmant. En ce. temps d'avant le déluge, la lecture était à l'honneur. La vieille bibliothèque livrait tous ses trésors à des intelligences fraîches ou expérimentées. On écrivait. On bavardait. Et, comme pour se divertir,.on ne pouvait compter que sur les quelques personnes qui composaient l'assemblée du séjour à la campagne, on se donnait la peine de parler, d'être intéressant ou amusant, comique ou spirituel. Aujourd'hui, l'art de la conversation est à peu près mort. On écoute la radio et, si on est désireux de parole pro che et directe on subit les conférences. La vogue 'méritée de ces dernières a grandi à mesure que. s'éteignait dans la société la parole et son art de repartie, dialogues sans canevas qui remplaçaient parfois le plaisir du théâtre. Et puis, en ces étés lointains, le ciel était à nous. N'avez-vous pas, en ce moment, l'impression que ce ciel ne nous appartient plus? L'avion en a fait son domaine. Et, certes, l'avion des voyages et des raids pacifiques est admirable. Mais l'avion,.'lourd de menaces guerrières, contre lequel chacun songe à se défendre, par l'ombre qu'il étend sur nos sécurités a obscurci tout notre ciel. Jadis, ces merveilles redoutables n'étaient pas encore réalisées et la mythologie s'en réservait les dangereuxmiracles. La nuit d été —1 car elle était râdieuse en ces jeunes climats de la quinzième année — nous enivrait de son amicale immensité... Quand je suis excédée de nos pluvieuses ténèbres, j'évoque ce cloître enchanteur où nous passions la chaude saison dans une hospitalière' abbaye. Couchés sur des coussins, le soir, les yeux au ciel, nous le contemplions entre les arceaux fleuris d'entrelacs embaumés au-dessus du préau où rêvaient les • plantes; Etoiles filantes, vous traversiez l'air violet comnje une aiguillée de fil d'or. Un vœu ! Il faut faire un vœu ! Et il est accompli s'il est assez "vite formulé!., car le passage brillant est plus rapide qu'une fusée. Je me sou viens d'un aimable jeune homme qui partageait nos contemplations. Tout haut il exhala son souhait : « Ah ! ait-il, si j avais seulement autant de pièces de cinq francs qu'il y a d'étoiles ! » Ce prosaïsme était candidement précurseur de notre époque actuelle. Seulement, aujour d'hui, les nuées obscurcissent les espaces célestes, on ne voit plus les étoiles, l'argent va chez le contrôleur.:, tt ce sont les pièces de cinq francs qui sont devenues « filantes. ». Gérard d'Houville....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - dantzig
- parain
- de monzie
- gérard d'houville
- beaumarchais
- adrien marquet
- albert lebrun
- deau
- j. vereker
- robert brussel
- pologne
- bordeaux
- southampton
- paris
- toulon
- france
- berck
- cracovie
- angleterre
- lund
- havas
- cabot
- boeing
- m. j
- grand prix
- ré publique
- grand théâtre