Extrait du journal

Une année seulement s'est écoulée depuis le jour fatal où André Maginot rendit le dernier soupir. Une année seulement a suffi pour ruiner l'effort du grand patriote meusien, une année au cours de laquelle l'ennemi de l'intérieur s'est senti plus libre, a profilé en hâte de la disparition du vigi lant et clairvoyant soldat, une annee qui a vu s'accumuler les palinodies, les lâ chages et les trahisons. Il y a un an, écrivant ici même que Maginot était « l'homme de la sécurité », je disais que pas « un seul de ses collè gues n'avait autant que lui la juste, l'utile, la bienfaisante réputation d'une intransi geance sans défaut sur les conditions de la sécurité. » Hélas ! ce n'était pas assez dire, et le recul de la cause française dépasse tout ce que les vues les plus pessimistes au raient pu faire entrevoir. « Je sais ce qu'il voulait faire, avais-je écrit le jour de ses obsèques, je sais donc ce qu'on peut faire, et je crois m'acquitter envers lui en promettant de m'employer de toutes mes forces à ce qu'on ne s'écarte pas de la consigne qu'il a laissée. » Je ne puis songer à ce serment sans une horrible tristesse ; car je crois bien être resté fidèle au devoir que les confidences du ministre de la guerre m'avaient tracé. Mais je ne puis mesurer sans colère tout le terrain perdu, malgré nos efforts, par les capitulations dues aux intrigues élec torales, à l'esprit de parti, aux intérêts personnels. La lutte, cependant, n'est pas terminée. Le douloureux anniversaire d'aujourd'hui fait ressortir un bilan tellement effroyable qu'il doit donner aux Français l'énergie du désespoir. Le mot n'est pas exagéré ; j'aurai, hélas, l'occasion de montrer preuves en mains que, dans les prochains mois, va se jouer notre dernière possibilité d'éviter, je ne dis même plus la guerre, mais l'invasion et l'esclavage dans un délai très court....