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Le Figaro, 7 mai 1906

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Le Figaro
7 mai 1906


Extrait du journal

. La mairie a été bâtie hors de l'enceinte du village, que de vieux murs flanqués' de tours emprisonnent depuis le onzième siècle. Le contraste des deux architec tures n'est pas en faveur des temps mo'dernes. La petite mairie est du plus plat style municipal et scolaire de la fin du dix-neuvième siècle. «Toute proche, une des tours carrées de la vieille enceinte dresse'sa façade rogue et majestueuse, adoucie aux ouvertures par des retom bées de lierre. - Heureux village, où survit encore beau coup du passé! Ici, les petits enfants eux-mêmes sont contraints, par la vue de ces pierres antiques, d'apprendre que leur, véritable histoire n'a pas commencé d'hier. Ils savent que l'étranger occupa les créneaux des tours et pourtant, un jour vint où. le dernier Anglais disparut •du pays. Ils savent que, plus tard, les guerres de® religion ensanglantèrent les murailles, et pourtant, aujourd'hui, ca tholiques et protestants . vivent côte à "cote, sans querelle. Parmi tant de déchi rements,'de batailles, de disettes, qui •revagèrent ce coin de France, l'humble groupeméht: humain a persisté, donnant seulement en pâture au temps quelques "pierres de l'enceinte. Et chaque année a ramené: les semailles, les labours, la moisson et les vendanges... Le geste guerrier est devenu de plus en plus rare ; le bourgeois comme le paysan ont perdu la coutume de vivre armés. Mais le geste, pacifjque est demeuré le même, et les descendants le font comme les aïeux, geste du meneur de charrue, geste d.u semeur qui sème,.geste du vigneron qui foule... Oh ! l'émouvant et rassurant spectacle, — ce village français, dans ce vieux pays du Sud-Ouest, tant chargé d'histoire 1 \ Hier, à la petite mairie, la commune votait. Les électeurs endimanchés arrivent et stationnent devant la grille du jardinet •municipal. La plupart sont venus à pied, 'quelques-uns en carriole. Tout ce monde de votants—aussi bien les propriétaires plus ou moins cossus que les simples métayers ou les domestiques de cam pagne— est parfaitement calme. Notez que la région peut être considérée comme une région politique, entre toutes. Elle a .pris l'habitude de donner à la République des ministres, des présidents de Parle ment, et même mieux. Le paysan y est exceptionnellement compréhensif. Il a l'esprit ouvert du Méridional, et cependant quelque chose de tempéré dans le caractère, — tout comme le ciel de la contrée, ciel du Midi, mais point implacable comme celui du Roussillon tm de la Camargue... Le paysan qui vote, ici, sait ce qu'il fait. Il a écouté attenti vement les candidats quand ils sont venus tenir leurs réunions dans la com mune. Il a lu' les journaux, les pro grammes, les affiches. Doctrines et évé nements ont été commentés longuement "dans les métairies, au repos de quatre 'heures ou après le souper du soir... D'ailleurs, est-ce même une question de Trégion ? Ce qu'est ici le paysan, ne peut-on pas dire qu'il l'est pareillement, ou guère ne s'en faut, dans la majorité des communes de .France? Sauf quel ques arrondissements disgraciés, presque partout en France le paysan n'est-il pas aujourd'hui suffisamment entraîné aux procédés du suffrage pour émettre un vote indépendant et conscient?... Obser vons-le donc, par ce jour de scrutin. Nous ne devons pas oublier que c'est de lui que dépend, en somme, le sort de la journée. " • Car il est le nombre. 1 *** : Il est le nombre ; la disproportion, en sa faveùr, est même démesurée. Parmi ceux qu'on désigne sous le. terme géné rique de travailleurs, le paysan est, par rapport, à l'ouvrier d'industrie, comme un régiment est à une escouade. L'es couade ouvrière fait, il est vrai, plus de fracas que le régiment rural. On parle sans cesse dans les journaux de l'ou vrier d'industrie, de ses syndicats, de ses revendications, de ses grèves, — quelquefois, malheureusement, de ses accès de frénésie destructrice contre les choses et les personnes. Infiniment plus nombreux, l'ouvrier agricole manifeste rarement, se met peu en grève, respecte les demeures et les gens. Est-ce donc qu'il gagne davantage ? Au contraire. 'Comparés aux salaires industriels, ses gages sont dérisoires. Seulement, il est, malgré cette infériorité de gain, plus heureux et plus sage. Plus heureux, parce que sa besogne est plus saine et qu'il a moins de besoins, tout en menant, en somme, une existence plus confortable dans le vrai sens du mot... Je sais bien que je vais, là, contre l'idée courante; et que le paysan luimême s'imagine que la vie du travailleur "d'usine est plus brillante, parce qu'elle exige plus de dépenses. Je persiste à estimer que le taudis de l'ouvrier pari...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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