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Le Figaro, 8 août 1936

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Le Figaro
8 août 1936


Extrait du journal

Paf WLADIMIR D'ORMESSON De jour en jour il devient plus faux de croire que la lutte qui se poursuit en Espagne dresse l'une contre l'autre l'oppression et la liberté. La vérité est que les idées sont dépassées par les passions et les passions par les instincts. Tout, dans ce choc, se ramène à dés dômléès rudhnentaires. D'un côté, il y a des hommes qui ne com battent que sous les plis de l'étendard d'Espaglle èt pour cet étendard. De l'autre, ce n'est pas seulement le drapeau rouge de la révolution qui domine, mais le drapeau noir de 1 anarchie. Qu'Un Miguel de Unamuno ait pris position en faveur des insurgés « parce qu'il s'agit, a-t-il dit, de sauver les valeurs essentielles de la civilisation » ; qu'un Salvador de Madariaga ait dû fuir, sous la menace de mort des communistes, voilà qui donne les proportions du drame que vit l'Espagne... Ceux qui voudraient que la France mît la main dans ce brasier et qui se réclament de nos principes de liberté pour préconiser une intervention plus ou moins camouflée, se rendent»ils compte alors de la folié qu'il y a à considérer la guerre civile espagnole avec 110s mesures^ françaises ? Oui, la France est une terre de liberté et elle en és.t fière. Raison de plus pour que nous ne compromettions pas cette valeur essentielle dans des causes pourries. Hélas 1 l'Europe glisse chaque jour davantage vers les extrêmes. Une tèmpête d'idéologies J'emporte. Si elle continue sur cette pente, si l'on ne serre pas les freins à temps, où ira-t-elle ? On ne peut même pas l'imaginer... Il faut dire, alors, que nous portons une responsabilité dans ce désordre — parce que, selon le tnot de Michelet, la France reste une « propagande vivante ». Si l'EUrope fléchit, c'est qu'elle-même a fléchi. Elle a fléchi parce qu'on a profité des difficultés que l'état général du monde créait chez elle pour lui injecter, à doses perfides, la partisanerie et la haine. Elle a fléchi parce qu'il a semblé qu'elle se côUj)ait én deux et qu'elle s'affaiblissait dans cette division. Elle a fléchi surtout parce que des influences étrangères — et quelles influencés ! —- se sont exercées sur elle dans l'ombre..» Ce qui est odieux, alors, c'est que par l'imprudence des uns et par la faiblesse des autres, on ait pu cure ici et là de nous : « La France a partie liée avec la révolution... » » Du coup, ceux qui nous guettent, avec de mauvaises lueurs dans les yeux, ont exploité cette aubaine pour en faire un tremplin à leur politique et ceux qui comptent sur nous nous ont regardé avec effroi. Tout aussitôt l'Europe a subi les conséquences de ce bouleversement d'impondérables. Des rapprochements se sont accom plis ; des liens se sont détendus ; des intrigues se sont nouées. Et îe climat du vieux continent s'est chargé d'une telle électricité que les coeurs ne battent plus à l'aise dans les poitrines... La France, partie liée avec la révolution ? Allons donc !... Il n'y a aucune commune mesure entre les réformes dont nul ne contes terait le bien-fondé si elles étaient faites avec réflexion, entre ce rajeunissement de la vie nationale auquel — gauches et droites — tout le monde ^aspire èt cette dictature glacee ou cette anarchie tumultueuse qui, de Russie en Espagne, ont les mains dégouttantes de sang. Et c'est pour Cela que vous Français, vous n'avez pas le droit, en déguisant, par Un travers frondeur de votre esprit, votre sagesse foncière sous dés oripeaux rouges, non; vous n'avez pas le droit de faire croire au monde que vous participez, même de loin, à ces dérèglements. Et c'est pour cela aussi que les hommes qui ont la charge et l'honneur de présider aux destins dé la patrie n'ont pas le droit non plus de chanter Y Internationale, de tendre lé poing et de défiler devant des drapeaux rouges, ne fût-ce qu'en passant... Croyez-moi. Tout en Europe dépend en ce moment du « compor tement » de la France. Le désordre ou la cohésion. Les ententes souhaitables ou .les divisions mortelles. Tout, la paix ou la guerre... Si notx'e pays continué à être mené par un esprit « partisan » ; si la grande voix de la France né couvre pas celle de quelques égarés, le pire deviendra possible — èt à bref délai. Il suffirait, au contraire, que les Français se retrouvassent euxmêmes pour que l'Europe se ressaisît. Wladimir d'Ormesson....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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