Extrait du journal
prendre une épée. Il y a même de jolies phrases sur les blessures de l'épée, moins mortelles que celles dé la plume, etc. Nous avons raison de nous complaire en cette attitude, elle est no ble ! J'ai cru remarquer qu'elle agaçait quelquefois le public, comme toutes les attitudes de caste. Lé public a tort. Il faut nous laisser cet innocent joujou, à la condition que nous n'en abusions pas. Il faut même le laisser non seule ment aux journalistes, mais au reste des hommes. Il faut les autoriser et même les engager à se battre, mais seulement dans les cas où il n'y a pas moyen de faire autrement. La chose est rare, mais elle arrive I On comprend fort bien qu'un galant homme, frappé au cœur, dans ses affec tions les plus intimes et les plus pro fondes, dans sa vie même, dans son hon neur qui lui est plus cher que la vie, de mande au duel non pas une réparation, mais un dénouement. Le duel ne répare absolument rien, mais il peut suppri mer quelque chose, et c'est pourquoi il devient une ressource pour deux mal heureux dont il faut de toute nécessité que l'un meure pour que l'autre vive. Alors c'est pile ou face, et le désespoir égalise les chances. Tant mieux pour le survivant, et tant mieux aussi pour le mort. Mais la gravité de l'enjeu prouve justement qu'il ne faut pas faire une plaisanterie de la rencontre. Se battre pour un oui ou pour un non, c'est dé truire ce caractère sérieux du duel, c'est lui ôter le prestige et l'autorité dont il a besoin pour répondre dignement à cer taines nécessités formidables et aux grandes misères de la vie ; c'est porter une atteinte fâcheuse à toutes les lois de la proportion morale, qui ordonne de s'accommoder exactement aux choses, de ne se gendarmer tout de bon que contre ce qui en vaut la peine, et surtout de ne faire, en pareille circonstance, que le nécessaire, et rien au delà. Les vrais duels sont ceux dont on ne dit pas les vrais motifs, même à ses témoins ! J'espére qu'avec le progrès des mœurs publiques, nous en arriverons à ne nous battre que pour quelque chose de très grave, d'inexpliqué, d'inavoué, pour l'honneur même ! Et ce duel, ainsi re levé et honoré, gardera tout son prix. Quant à l'autre, au petit duel, quant à cette petite mobilisation de témoins et de champions que nous rencontrons chaque jour dans les journaux, avec pièces à l'appui, je ne les condamne pas absolument. J'ai des amis qui ne pour raient s'.en passer. C'est pour eux une mode, une distraction, une élégance, un sport, et par conséquent une nécessité. J'admets très bien qu'on le leur per mette, et que ce duel spécial, délaissé par les simples pékins, devienne peu à peu le monopole des journalistes. On en tuera un de temps en temps, pour l'honneur du corps et les besoins de la copie. Quidam....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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