Extrait du journal
Je ne m'attendais pas, monsieur, à soulever des récla mations et des réponses, en causant tranquillement avec vous de ce monde-ci au point de vue de la politesse et de la galanterie. Je le croyais si bien enseveli dans ses calculs et dans ses plaisirs, que je n'espérais pas le ré veiller. La lettre des jeunes gens, publiée par le Figaro de mercredi, m'a causé une joie véritable. Ils ne veulent pas qu'on les blâme, ils cherchent à se défendre, ils ont en réserve des circonstances atténuantes à l'endroit des ju gements portés contre eux. J'en suis ravie. En criant à. l'in justice ils repoussent l'accusation ; ils en rougissent, c'est bon signe. S'ils peuvent me prouver que je me trompe, j'en serai plus contente qu'eux. Je ne suis point une vieille grognon, je n'ai aucun re gret du temps passé, je me trouve bien comme je suis, je ne leur envie pas leurs belles années, j'ai eu les miennes; si elles ne sont plus, j'ai la philosophie de m'en consoler facilement et de me créer des jouissances nouvelles. Il en cs.t pour tous les âges, on ne le croit pas à vingt ans ! On vil d'abord pour soi, en soi, on se dépense soi-même, on jette au premier vent qui souffle ses désirs et ses pen sées, on s'accroche aux épines qui bordent la route, en cueillant les fleurs des buissons, qu'importe la souffrance! L'avenir est si long! il viendra autre chose ensuite. On ne retourne pas la tête vers les horizons qui s'effacent, on court vers ceux qui se déroulent magnifiques et trom peurs. Plus tard, on ne court plus, on s'arrête, on s'asseoit au bord du sentier, devenu étroit et rabotteux ; on regarde ceux qui arrivent, on retrouve en eux ce qu'on a perdu : c'est un miroir où se reflètent les illusions et les bonheurs envolés. Ils sèment comme nous leurs trésors par les prai ries ; ils effeuillent leurs couronnes avant de les voir se llélrir, et leur tour viendra comme le nôtre est venu. Les chimères se détruiront d'elles-mêmes, l'expérience luira, le prisme perdra ses couleurs ; ils se reposeront enfin ! Le malheur de la jeunesse actuelle, c'est qu'elle n'est pas jeune, c'est qu'elle a tous les désenchantements de l'âge mûr. Elle est d'une lucidité effrayante ; le positif se présente à elle avant le rêve. Ce n'est pas sa faute, me di-ra-t-on : il faut marcher avec son siècle ; le siècle est en progrès : on suit sa pente. Un collégien en sait plus aujour d'hui en quatrième que son aïeul à son lit de mort. Nous subissons les conséquences d'un fait. L'éducation autre...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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