Extrait du journal

Alors qu'il n'était encore que capitaine, ce brave P. avait un ami qui, incontestablement, était un homme illustre. Cet ami, c'était le grand, le bon, le prodigieux Dumas, Dumas père, le plus fécond, le plus verveux, le plus imaginatif des romanciers et des auteurs dramatiques du siècle, le charmeur, l'amuseur de tout ce qui a su lire, en France et dans le monde entier, de 1820 à 1870, et dont, aujourd'hui encore, ceux-là qu'attristent et révoltent les lugubres études psychologiques,naturalistes, symbolistes, de la jeunesse littéraire contemporaine, relisent avidement les œuvres où ils sont sûrs de retrouver les aimables qualités françaises de clarté, d'esprit, de belle humeur chevaleresque, d'intérêt, et de généreuse émotion. Nous n'avons pas la prétention de refaire une millième édition du portrait d'Alexandre Dumas. Il est présent à toutes les mémoires. On l'avait défini « une force de la nature. » Cette hyperbole l'a peut-être un peu gâté. Le fait est pourtant que, colossal en tout, en amour, au travail, à table, il était taillé pour accomplir tous les travaux d'Hercule. Colossale était aussi, hélas 1. sa vanité. Vanité inconsciente, à coup sûr, gloriole tumultueuse à laquelle son origine nègre n'était pas étrangère, et qui lui donnait des joies enfantines, de véritables épanouissements de bonheur....