Extrait du journal

gré elle, dévorée par le besoin d'aimer, nourrie de romans, rêvant les aventures, le drame, toutes les excessivités de passions latentes auxquelles elle n'avait jusqu'alors pu donner d'aliments, la femme confinée à un vieillard impotent se trouvait, elle, dans cette dispo sition de tête et de cœur qui laisse si facilement la porte du foyer ouverte à l'adultere. Mme Léonie se prit à aimer follement le romanesque héros dont les journaux du Palais lui avaient révélé les farouches aven tures. . —Nous l'avons dit, ce n'est pas sans combat que Ferrand se laissa envahir; il protesta de l'amour éternel qui emplissait son coeur et jura qu'il ne saurait s'y trouver place pour une autre affection. Vous êtes noble et vous êtes grand, lui disait alors Léonie, en lui prenant Ies'mains et en plongeant sur lui ses grands yeux noirs; non, ne l'oubliez jamais, celle que vous avez aimée jusqu'à l'hé roïsme ; elle devait être bien belle et bien bonne et bien supérieure à nous pour faire naître un tel amour! Mais vous souffrez, mon ami, et je. veux vous consoler ; parlons d'elle ; loin de chercher à éloigner votre pensée de celle qui est là-haut, jè veux m'associer à votre culte; acceptez-moi seulement pour votre sœur, donnez-moi vos larmes ; si jamais affection sainte,et pure peut les sécher et ramener le sourire sur vos lèvres, aini, ce sera cette affection que je vous ai vouée. • ... Amour respectueux... affection sainte. ; étreintes fraternelles., pureté du cœur... Vertueux mensonges! L'on est sincère à l'instant même où l'on fait ces promesses ; on mesure son amour et on le jugé assez fort pour le renoncement, et l'on voudrait multiplier au tour de lui les épreuves pour qu'il manifestât sa jouissance; mais deux mains se sont rencontrées, deux regards, deux flammes, deux étincelles se sont croisées, le sang bout, la chair frissonne et... « L'instant où vous parlez est déjà loin do vous. »...