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Le Figaro, 10 avril 1931

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Le Figaro
10 avril 1931


Extrait du journal

Secrets de Beauté Déjà l'on regagne Paris. Les vacances de Pâques sont courtes. Est-il des vacances qui soient longues ? La foule qui se ruait aux trains de banlieue a déjà dévoré ses deux jours d'allégresse. Et il pleut ! Beau printemps ! Pourtant Théophile Gautier nous di sait : Mars qui rit, malgré les averses, - Prépare en -secteLJe printemps. , Il l'a bien mal préparé,-; et si les Muses, qui par fois sourient, nous en donnaient licence, nous fre donnerions^ ainsi le quatrain fameux d'Emaux et Camées : Tandis qu'à leurs petits commerces ^ Reviennent les hommes pervers, Avril, noyé sous les averses, Gémit sous le ciel des hivers. Vaines paroles, au demeurant, car il n'est pas un vers qui soit eh possession de changer la couleur du ciel. Et pourtant... C'est une vieille histoire d'in sinuer que nous colorons le monde aux pinceaux de nos joies ou de nos mélancolies. Mais n est-ce pas quelque fable, et ne faut-il pas penser que les choses se soucient peu de nous et qu elles sont, comme dit l'autre, tout simplement ce qu'elles sont ? Je veux sur ce propos vous soumettre un pro blème. Il est, sans doute, aussi vieux que la race humaine, mais il est demeuré aussi jeune qu elle ; c'est le problème de la beauté en soi. Pardonnezmoi d'user de termes si pompeux : ce n'est point ma coutume et je ne songe guère à vous convier, en ce moment, à pêcher le noumène, qui est, comme l'on sait, l'un des plus" mystérieux poissons qui na gent en silence aux profondeurs de l'esprit. Mais dans l'une des leçons de son cours sur les femmes de Molière, à la Société des Conférences, Mme Dussane, pour nous démontrer qu'Agnès est belle, vraiment belle, belle-en-soi, si je puis dire ou redire, nous confie que « lorsque Horace, jeune provin cial nouvellement débarqué, flânant dans Paris, a aperçu Agnès à son balcon, il n était pas encore amoureux d'elle. Pourtant, il est revenu sur ses pas, à plusieurs reprises. Donc, même de sang-froid, il l'a trouvée belle. Belle, il faut qu elle soit... » Le morceau est entraînant. Il fut fort applaudi. Mais M. Decalandre me dit à l'oreille : « S'il l'a trouvée belle, c'est précisément la marque qu'il n'était plus de sang-froid ! Car, la beauté... » Ses voisins le prièrent de demeurer silencieux. Voilà donc le problème. Je ne suis pas si habile que j'entreprenne de le résoudre. Mais vous y par viendrez sans peine, je le pense, et ce vous sera divertissement par ces jours d'un avril qui ressemble à novembre ; et, de toutes façons, vous en déduirez un madrigal aux dames, puisque vous conclurez ou bien qu'elles sont belles, ou bien que leur pou voir est si étonnant qu'elles font, par leur seule pré sence, tourner la tête des mortéls. Tristan Derème....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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