Extrait du journal
G H RONIQUE LE SIECLE DE L'EFFORT INFIME Par GEORGES DUHAMEL de l'Académie française. J 'assistais, le mois dernier, à une séance du conseil de la = radiodiffusion. L'entretien roulait sur certaines conférences de philosophie qui vont, dès ce prin temps, prendre place dans les programmes. Les mem bres du conseil ■ s'étaient assez vite mis d'accord sur la substance des entretiens ; mais, quand on vint à parler de l'étendue de ces entretiens, le conseil parut plongé dans le plus grand embarras. Certains conseillers esti maient qu'une conférence sérieuse peut durer une demiheure, d!autres semblaient redouter que le public rie supportât mal un si grand effort intellectuel. Je crois me rappeler que la durée des conférences fut, après divers débats, fix,ée à vingt-cinq minutes. J'ai longuement réfléchi sur cette petite controverse. 'Il est bon, je le reconnais, de ne pas dégoûter le-grasd, public de la spéculation pure en le soumettant à des épreuves trop prolongées. Mais, à vrai dire, je n'ai pas la .moindre inquiétude à ce sujet. Tout semble s'ordonner, dans la société moderne, pour déshabituer l'homme dé l'effort soutenu, que cet effort soit de travail ou même qu'il soit de plaisir. Si je m'en tiens aux faits de la culture intellectuelle, de la culture quotidienne, et des divertissements liés au système de culture, je suis bien obligé de dire que la décadence est rapide. Les contes publiés dans la presse quotidienne sont de .plus en plus courts, de plus en plus rudimentaires. La faute n'en est pas aux auteurs. On leur mesure la place, et tout donne à penser que les contes, à l'avenir, devront tenir en vingt lignes. Il ne faut pas fatiguer le lecteur, déjà si distrait. Les hebdomadaires admettent des récits plus longs, je veux,bien le reconnaître. Mais la longue nouvelle, si glorieusement, représentative de notre littérature, va fatalement disparaître.. Les revues en publient peu, parce qu'elles n'en trouvent.. guère — j'entends de bonne qua lité. — Je ne suis pas absolument sûr que tout cela mani feste le goût, ou la volonté..du public. Les serviteurs du public ont si'grand soin de le flatter qu'ils finiront par l'avilir. Un article de quelque étendue ne trouve plus place, aujourd'hui, que dans les grosses revues, et les grosses revues ne vivent, dans les conditions actuelles, que par .des miracles d'adresse et. d'économie. Nous voyons venir le temps où les études sérieuses et longue. ment développées ne pourront, plus paraître nulle part. La foule ne sera nourrie, que de babioles et de miettes. Nous sommes quelques écrivains à lutter : vigoureusement pour maintenir dans le public le goût des ouvrages de longue haleine.. des grands romans, par exemple. Et il se trouve des roquets pour nous aboyer aux chausses. Ge serait désespérant si ce n'était risible. . Les arts du. spectacle succombent au même vertige. La morale du cinéma, je pense l'avoir déjà dit, mais le moment, est yenu .de le répéter avec force, la morale du cinéma semble d'épargner au spectateur tout effort de réflexion, tout effort d'intelligence. Ce n'est même plus un spectacle, c'est une fuite, une déroute. Gens de la production et gens de l'exploitation, artistes et tenanciers, tous ont uno» peur effroyable que le public ne s'ennuie. Le public, ainsi méprisé, devient, de plus en plus sen sible à l'effort. quand il en doit faire. Qu'on ait l'air de lui proposer dix secondes d'application et. le public, décon certé, considère une telle requête, de la part des ciuémistes, comme une indiscrétion et même comme un manque d'égards. Je ne connais vraiment pas de plus basse déma gogie intellectuelle. La radiophonie renchérit sur cette pratique lamenta ble. Il paraît que, pour les contes diffusés de temps en temps, cinq minutes, c'est beaucoup trop. Que si l'on demande à tel grand savant de faire une conférence sur l'oeuvre de sa vie entière, on lui donne un petit quart d'heure. Figurez-vous un peu que le public pourrait bâiller ! Ce serait une catastrophe ! On 'oublie sans doute que le public a ses défenses et que, .s'il s'ennuie soudain, il n'est guère embarrassé pour tourner le robinet et changer de breuvage. En somme, il n'est pas insensé de prévoir qu'un jour a venir le public, le public innocent et qui prend petit à petit les habitudes qu'on lui donne, ne pourra plus tolérer que des slogans et qui sait, plus tard encore^ n admettra plus que des bruits, des cris, des onomatopées. Cependant que des peuples entiers sont soumis à ce...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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