Extrait du journal
On se marie beaucoup cet été. La saison est favo rable et bien choisie pour les premiers bonheurs de la liberté. Dans le récent fascicule d'une revue nou velle et mondaine, variée, amusante et bien renseignée que j'ai plaisir à signaler : Eclectisme, de grandes pages sont consacrées aux photographies des récentes épousées, à leur sillage de blancheurs, à leurs voiles, à leurs lis et à leurs aimables cortèges d'enfants et de jeunes filles. Une fois ôtées les blanches parures, le costume de voyage est revêtu. Où iront les jeunes mariés en « voyage de noces » ? En souvenir des traînes écumeuses, des tulles et des soies immaculées, partiront-ils en bateau à voiles sur un de ces yachts légers, élégants, d'une grâce jeune et gaie, et aux quels leur haute et pure voilure donne toujours un aspect de fête-? Glisseront-ils au fil des fleuves dans l'étroit mais confortable « house-boat », changeant lentement de paysages et cherchant la rive la meil leure ? Fileront-ils dans l'automobile qu'ils ont reçue en présent, et qui, somptueuse ou modeste, plaît tant à leur rêve vagabond ? Prendront-ils le train avec humilité, comme autrefois ? ou le paquebot, vers l'autre côté du monde ? Beaucoup de jeunes ména ges possèdent leur avion de tourisme ; nul moyen de transports (et, ici, le sens est double) n'est plus indiqué pour l'envol amoureux, et la recherche d'un septième ciel. Us s'élancent comme un couple d'oi seaux, au mois des nids, mais couple plus uni puis qu'ils partagent les mêmes ailes. Au delà des nuages, ils commenceront à se. comprendre sans se parler, début le plus plaisant pour l'entente et l'intimité puisque ce sont, presque toujours, les mots qui sépa rent. Les abeilles avaient déjà inventé le vol nuptial, et les humains plus favorisés peuvent aujourd'hui le connaître à leur tour, et attendre, du haut des airs, le lever de la lune de miel. La roulotte a aussi ses adeptes qui vantent la dou ceur et l'imprévu de pendre la crémaillère un grand nombre de soirs en des lieux variés. Oublions-nous les bicyclettes ? ou sont-elles démodées ? Sur deux beaux chevaux, les époux iront-ils au but, comme en un vieux « film » ? Mais voici qu'on me parle xle jeunes et intrépides fiancés qui ont le projet d'un voyage dè noces redevenu étonnant et de la plus pure nouveauté. A pied, sac au dos, ils partiront, une fois terminés les cérémonies et les adieux aux amis et à la famille. A pied, vous m'en tendez bien ? Or, qui se doutait que la jeune race humaine avait encore l'intention et même le pouvoir de se servir de ses jambes et de ses pieds ? Toujours véhiculés d'un endroit à l'autre par des inventions de plus en plus rapides et des procédés de plus en plus perfectionnés, on pouvait craindre que, dans l'avenir, les enfants de ces parents, toujours assis, ne naissent apodes, puisque ce qui ne sert pas à l'orga nisme peu à peu s'amoindrit, disparaît. Dieu merci ! les pieds redeviennent à la mode et on reverra peutêtre de belles créatures sachant marcher. Le projet de ce jeune couple est l'indice d'une mode future. On verra des fiancées s'entraînant à la marche pour pouvoir fournir, au jour dit, les kilomètres désirables. De plus, les fiancés en question, escaladeront. Ils comptent monter dans la mpntagne. Au lieu de la banale chambre d' « hostellerie » ou de « palace », ils connaîtront la solitude rude et sauvage des abris et des refuges alpestres, O grotte de Jocelyn / et vous aussi, Maison du Berger, où ce jeune mari sera content de voir s'abriter et se, reposer sa jeune femme. En ces grands sites, en ces vallées, entre le ciel pro che et l'herbage, on doit, jouir d'un bonheur où alternent Je spirituel et l'animal. L* « humain » est ainsi laissé au repos, au fond de soi-même, et on le retrouvera dispos et rafraîchi au moment de rentrer dans les villes et d'y reprendre l'existence, dite civilisée. En ces prairies, en ces alpages, le jeune homme doit sentir s'éveiller en lui l'ancestral ins tinct du pâtre ; nous lui demandons simplement de ne pas trop considérer nji fjemme comme une ouaille et de la dispenser de paître. Ce nouveau genre de voyage de noces est l'indice d'une évolution, ou plutôt d'un retour vers les anti ques désirs et vers les vieux mirages. Las des méca niques dangereuses, enivrantes et décevantes, les êtres, bientôt, se libéreront des moteurs et des machines et trouveront un orgueil qu'ils croiront nouveau à jouir eux-mêmes de la nature, à voir à loisir, à arriver lentement, et, au repos, sans souci d'essence, de pneus, de leviers et de multiples instruments et tracas, à penser, en paix, sous les arbres... Gérard d'Houville....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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