Extrait du journal
un temps convenable 3c se manifester. Pour comble, ce dénouement différé de l'aventure mexicaine était à peu près tout ce-qu'en savait le public. J'ai pu observer qu'il n'était pas ignoré même de deux charmantes femmes placées derrière moi, qui lisaient à haute voix le programme pendant la représentation, et y faisaient d'étranges découvertes: celle, par exemple, d'une parenté que l'on ne soup çonnait pas, entre Juarez et M. André Suarès. Pas sionnées de s'instruire, elles ne s'apercevaient pas non plus qu'elles ajoutaient une dissonance aux harmo nies de M. Darius Milhaud. En revanche, et cela est bien significatif, aucune des autres figures du drame n'a paru étonner ou gêner les spectateurs. Si l'on a fait grise mine à Bazaine, c'est pour d'autres raisons, sur quoi il serait superflu d'insister. Encore lui a-t-on pardonné bien des choses quand on l'a vu aller victorieusement — pour une fois — jusqu'au bout de ce texte musical : « Mais se rend-il compte des difficultés de la situa tion ? » On a, peut-être non sans ironie, admiré la redin gote de Maximilien, et l'on est demeuré d'accord qu'un chapeau de soie très haut jure moins avec ce vêtement qu'un panama aux bords immenses ; mais ce sont là des réflexions de couloir ; le principal est qu'au moment que l'empereur est entré en scène, au cun^ mauvais plaisant ne s'est avisé de s'écrier' : « Déjà ! » Je ne prétends pas que dans la salle tout le monde sût qu'il a été fusillé en 1867. Mais les septuagénaires eux-mêmes étaient trop petits cette année-là, l'année de l'Exposition, pour que, dans leur famille, où l'on parlait alors politique le moins pos sible et toujours en baissant la voix, on fît allusion devant eux à cette sinistre affaire. Elle se perd donc pour eux dans la nuit des temps. Quant aux person nages de l'opéra qui sont mexicains d'origine, ils devaient, fussent-ils décédés d'hier, sembler assez anciens pour la scène, s'il en faut croire Racine, qui a écrit dans la seconde préface de Bajazet : « L'éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps. Car le peuple ne met guère de différence entre ce qui est, si j'ose ainsi parler, à mille ans de lui, et ce qui en est à mille lieues. » Mais le peuple éprouve une sorte de répugnance quand on lui fait voir sur la scène ce qui n'est ni à mille lieues ni à mille ans. Son instinct voudrait qu'il y eût un domaine historique comme il y a un domaine public, et qu'à tous les héros, de premier ou de dernier plan, qui ne sont pas encore tombés dans ce domaine historique, l'injure du livre et du théâtre fût épargnée. Le principe est séduisant. Hélas ! il est inappli cable. Une loi peut fixer le temps après lequel une oeuvre de littérature1 cesse d'appartenir aux ayants droit de l'auteur, pour être livrée à la bande noire. Pour le domaine historique, c'est le goût seul qui est maître, et le goût peut-il inspirer confiance ? Il est plus souvent mauvais que bon. Sans compter que les mêmes chiffres, qui semblent aux uns dérisoires, semblent aux autres astronomi ques. Est-ce que tous les faiseurs de mémoires ne prescrivent pas à leurs héritiers d'attendre, pour les publier, vingt ans après leur mort ? Us se figurent naïvement que vingt ans après leur mort tout le per sonnel humain sera renouvelé, ou , que peut-être la terre ne tournera plus. Abel Herma'nt, de l'Académie française....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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