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Le Figaro, 12 décembre 1934

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Le Figaro
12 décembre 1934


Extrait du journal

FOLIE D'UNE NUIT... Je ne crois pas que ce jeune homme qui a essayé de mettre le feu à un cinéma de Valenciennes ait toute sa raison. Car je ne trouve pas raisonnable, à dix-sept ans, de vouloir brûler une salle de spectacle et les gens qui sont dedans parce qu'on y représente un film intitulé « Nuit de folie ! » A dix-sept ans, ce qui est l'ordi naire, sinon la pure sagesse, c'est de pen ser à ces nuits-là et non de vouloir les réduire en cendres. Il y a chez ce jeune homme nne sévérité de jugement et une intolérance qui font peur. Il faudra le soi gner ou du moins que son père, qui est avocat, plaide un peu, devant lui, pour une sérénité et une indulgence dont cet enfant parait tout à fait dépourvu. « Nuit de folie ! » est peut-être un film grivois ou plus probablement idiot. Je ne l'ai pas vu. On ne peut aller partout, et il y a un âge où l'on préfère ses folies et même ses repos aux nuits qu'on vous montre sur un écran. Mais la moralité de ce petit événement ne tient pas dans la nature du film qu'on représentait à Va lenciennes — heureuse Valenciennes / — elle est dans l'état que l'exaltation de ce jeune homme certifie. Son geste, qu'il ait été décidé par un esprit sain ou non, signale assez bien la fièvre d'action di recte où vit le monde. Pour que ce-jeune bourgeois fraiiçais en arrive à décider de brûler un cinéma parce que ce cinéma ne joue pas un film à sa convenance, pour qu'il instaure à celte occasion le châtiment prémédité, annoncé et accompli, il faut vraiment que nous ayons perdu un peu, les uns et les autres, de notre sang-froid. On a adopté, dans trop de pays, la justice expéditive ; on s'en est bien trop remis aux ardeurs individuelles de résoudre des problèmes qui dépendaient, du droit des gens ou de la morale établie. El l'on a vu des jeunesses se charger un peu trop har diment de régler des sorts qui n'eussent pas dû dépendre de leurs jeux. Ah ! quand Victor Hugo se retournait vers ses jeunes années et qu'il écrivait : J'étais donc cet enfant, hélas ! devant qui l'homme Rougit presque aujourd'hui, il n'avait mis le feu au théâtre qu'avec Hernani. Je crois que c'est la bonne ma nière, et qu'avant de brûler « des nuits », il vaudrait mieux, pour ne pas se tromper, les avoir d'abord adorées — je veux dire avoir vécu. Guer mantes....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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