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Le Figaro, 13 décembre 1934

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Le Figaro
13 décembre 1934


Extrait du journal

La nuit dernière c'était le blé. Demain ce sera le vin... Déjà quinze mille viticulteurs, réu nis devant la préfecture de Montpellier, ont protesté « contre la situa tion qui leur est faite et qui les empêche de vendre leur vin ». Ils devraient bien protester aussi contre la confusion d'idées qui règne dans un bon nombre de cervelles ! Que l'on remue ciel et terre, bouleverse le droit et les coutumes, épuise les ressources et le crédit de l'Etat, fasse se succéder au pouvoir les petits et les grands, les poids plume et les poids lourds, déclanche même des batailles de rue ou des gueires de hà-' meau ! on ne réussira qu'à accroître la misère si l'on persiste à méconnaître les données les plus claires de la situation éco nomique et en particulier de notre situation agricole. Les gens finiront par croire que le rende ment d'une locomotive se calcule suivant, la nuance électorale des circonscriptions que traverse la voie ferrée... Le gouvernement et le Parlement sont occupés à chercher des remèdes aux difficultés immédiates dont souffre la population rurale et à l'engorge ment général des marchés agricoles. A vrai dire, ce sont deux problèmes différents. Les difficultés immédiates de l'agricul ture constituent un problème de liquidation commerciale et financière. Les moyens d'atténuer l'engorgement croissant des mar chés agricoles constituent un problème de prévoyance et d'organisation positive. En mêlant sans cesse les deux problèmes, on risque de les rendre insolubles. Quant à la liquidation commerciale et financière des difficultés immédiates de l'agriculture, nous sommes persuadé qu'elle réussirait dans le cadre d'une loi extrê mement souple, comportant une marge d'application suffisante pour permettre à l'Etat et aux organisations professionnelles de s'entendre sur les cas d'espèce régionaux. S'il s'agissait d'un sujet moins grave, on rirait au spectacle des parlementaires pour suivant la chimère d'unè législation idéale en vue d'on ne sait quel blé abstrait, dans un pays dont les terroirs, les modès de culture ou d'exploitation, les groupements agricoles, et les équilibres naturels varient d'un canton à l'autre. Reste la grande question de l'avenir : celle des excédents de production. . Elle n'est pas spéciale à l'agriculturç, elle concerne toutes.les formes de produc tion. Elle provient de ce qu'aujourd'hui, les moyens techniques dont l'homme dispose, lui permettent de produire des quantités pratiquement illimitées tandis que la con sommation ne peut pas croître au même rythme . Elle ne peut pas croître au même rythme, parce que les facultés d'achat de l'homme, quoi que l'on fasse, resteront toujours déter minées plus ou moins par l'utilité du produit ou du service qu'il offre en échange, et que s'il produit des choses inutiles, elles ne lui servent de rien pour l'échange. La con sommation ne peut pas croître indéfiniment, surtout parce que le nombre des consom mateurs, autrement dit des êtres humains, est limité. C'est ce dernier fait qui rend la position de l'agriculture particulièrement dramati que. Rien n'empêche techniquement que l'agriculture produise, bientôt, deux fois plus de blé, de vin ou de bétail qu'aujour d'hui. Mais il n'est pas concevable qu'une puissance au monde fasse consommer par le même nombre d'hommes une quantité double ou triple de blé, de vin ou de viande. Où est l'issue ? Elle n'est évidemment pas dans une politique de secours et de soutien à la production de quantité. Une telle politique aggrave sans cesse la quantité de produits inutiles et, par conséquent, la misère des producteurs. Elle n'est pas non plus, dans l'interdiction de produire, qui est un défi à la liberté et au travail humains. Ces procédés de démagogie soi-disant « avancée » marquent un retour aux for mules les,plus archaïques de la civilisation : une sorte de fuite épouvantée devant le progrès. L'issue est dans une politique de soutien constant et de prime assurée aux pro duits de qualité, complétée par une politi que de défense de l'équilibre des marchés régionaux. Le seul remède économique à la surproduction agricole est la sélection de qualité. Mais comme l'agriculture a une importance sociale qui égale son impor tance économique, il faut protéger les ca dres d'échanges locaux et, par conséquent, de stabilité sociale. . Avec la réglementation du blé abstrait et le financement des stocks anonymes, on marche exactement à rebours de la solution. Lucien Romier....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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