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Le Figaro, 14 décembre 1934

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Le Figaro
14 décembre 1934


Extrait du journal

LA VIE ET LA LÉGENDE Lorsqu'on faisait subir, à Mandrin les derniers supplices, qu'on le rouait vif, un beau matin de 1755, on ieùt peut-être aidé à supporter son sort (douloureux à tout âge et fort désagréable pour un homme, de quarante, ans qui aimait bien la vie) en lui assurant qu'il reparaîtrait, moins de deux cents ans plus tard, sur la scène du théâtre Mogador, vêtu avec une richesse étonnante. En tous les cas, on l'eût surpris. C'était son rôle de dépouiller les gens ri ches;' comment supposer qu'avec le temps deux messieurs Isola l'habilleraient un jour avec cette, munificence? Il y a vraiment des - événements imprévisibles. M. Bonny. qui a pris les devants en ce qui 'concerne l'habillement, a dit à la Commis sion d'enquête : « Je deviens un person nage de légende!... ■» Mandrin n'en a pas dit autant, icar il avait moins d'astuce et cependant, mort à peine, il est entré dans la légende. L'année même de son supplice, un abbé et un petit écrivain ont composé sa biographie... Puis trois, puis quatre. Et ainsi de suite pendant des années. A la veille de la Révolution, on vendait encore des complaintes, des « mandrinades » en ivers, qui célébraient la gloire du bon bri gand ami du peuple, ennemi des traitants, des gens du fisc et des oppresseurs. Celte fin de siècle — et de régime — servait sa gloire, 'son existence posthumes ; mais qu'il fût né cinquante ans plus tard et qu'il l'ait vecue pour tout de bon, les armées de la Révolution eussent fait sa fortune car il avait l'audace et le commandement dans le sang. Il serait peut-être devenu maréchal de l'Empire, ce qui eût été une réussite plus honorable tant qu'il eût vécu, mais moins variée dans la suite des temps — car les maréchaux n'ont pas droit à l'opérette. C'est une chose étrange que la renommée posthume, la façon dont elle se compose, dont elle s'efface ou renaît selon les modes, et les aspects qu'elle prend sur l'horizon des âges. Quand on compare la réalité des faits aux interprétations embellies qu'ils inspi rent, on est étourdi par ce qui les sépare. J'y pensais l'autre soir, à Mogador, en voyant entrer Mandrin dans Beaune, suivi par une armée de fifres, de tambours, de paysannes en .costumes de duchesses,. de chasseresses en robes A paniers — et tout et tout ! A la vérité, il y est entré dépe naillé et de haute lutte; mais dès qu'il y fut, il se peut qu'il y ait séduit son monde. Un de. ses biographes a écrit de lui : « Il ne sut Jamais refuser ni un homme à sa colère, ni les baisers d'une femme à son désir... » L'opérette, elle, lui a refusé le meurtre, sinon la colère, et elle lui a laissé les baisers. Ce n'est pas la plus mauvaise part. Guermantes....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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