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Le Figaro, 12 juillet 1902

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Le Figaro
12 juillet 1902


Extrait du journal

.Une céuvre' toute . gracieuse,., toute ' pari-, sienne qui, pour n'être 'âgée que de quelques* mois, a déjà fait beaucoup parler d'elle. On sait de quoi il s'agit. Quelques artistes, écœurés à la fin des chansons malpropres et niaises dont on nous abreuve chaque jour, se sont unis dans une même pensée de dévouement et de désintéres sement, comprenant que les refrains entendus dans les établissements justement qualifiés de . «beuglants», et colportés de la ru£ à l'atelier, pouvaient devenir un danger, et qu'il y avait peut-être quelque chose à faire pour réagir "contre l'envahissement de ces productions malsaines qui font à la-jeunesse là plus abo minable des éducations. C'est que vraiment la chanson, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, est l'unique poésie du peuple. L'ouvrier n'a pas toujours les moyens intellectuels, ni le temps non plus, de lire les grands poèmes qui sont plutôt pour les let trés. La chanson, ce petit poème tour à tour gra cieux, sentimental, ironique, amoureux, tendre ou révolté, la chanson rieuse avec Desaugiers, philosophique avec Béranger, poétique et vi brante avec Dupont, fine et ironique avec Nadaud, la chanson, qui se prête à toutes les ma nifestations de la nature et du cœur humain, peut devenir dangereuse, quand ùn rimeur de hasard, ignorant la plupart du temps les pre mières régies de la prosodie, s'en empare, guidé par l'appât du lucre qui corrompt tous ce qu'il touche, pour flatter lesbas instincts de la foule. , Le chapitré d'un mauvais roman, la scène d'une pièce de théâtre dont la moralité est douteuse peut s'effacer de la mémoire ; il n'en va pas de même pour la chanson, laquelle, avec la complicité de la musique qui lui donne des ailes, bourdonne à l'oreille, revient avec obsession, y "pénètre et finit par s'y fixer. ' En ces dernières années, la chanson ordurière et sotte, faussement sentimentale, faus sement patriotique, a sévi avec la plus grande intensité, et l'on prétend qu'elle n'a pas encore atteint son maximum de corruption ! C'est pour tenter d'enrayer ce mal—qui fait tant de ravages dans la jeunesse parisienne — que l'Œuvre de la Chanson française a été fondée. Les cours sont absolument gratuits. Tous les mardis, de neuf à dix heures, dans une salle de la mairie du quatrième arrondis sement, mise gracieusement à l'a disposition du Comité de l'œuvre, les petites ouvrières et employées parisiennes se pressent pour venir écouter et apprendre les jolies chansons que leur fait connaître l'éminent professeur Jean Lassalle, de l'Opéra, qui a la direction des cours. . A la séance de mardi dernier elles étaient là cent cinquante environ, les petites élèves, toutes attentives, toutes charmantes, toutes! intelligentes avec leur frimousse éveillée, toutes, pimpantes aussi avec leurs quatre sous de ru-i ban et leur robe d'étoffe à bon marché qu'elles; confectionnent de leurs menottes agiles, le soir, sous la lampe, souvent après une dure journée de labeur. On leur remet, à leur entrée dans la salle, une feuille de papier contenant la musique et les paroles de la chanson qui a été choisie par le Comité de l'œuvre et qui doit être interprétée. Le professeur, après leur avoir expliqué le petit poème, après leur avoir indiqué les nuan ces à exprimer, le sentiment à donner à tel ou tel couplet, leur chante la chanson. Le plus souvent, il ne leur dit que le premier couplet : ce couplet est aussitôt repris en chœur et c'est fini, la chanson est sue! Pour les petites ouvrières parisiennes le be soin de ■ chantef est presque aussi impérieux que celui de manger. On les voit à l'heure de midi, quand elles quittent l'atelier pour aller déjeuner, entourer les chanteurs ambulants et...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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