Extrait du journal

La vie offre vraiment des contrastes déconcertants. Une des îles apparemment heureuses du monde, Madère, est en pleine révolution. Les habitants de ce paradis de la nature s'entretuent dans le décor le plus riant qui soit au monde, parmi les roses déjà épanouies, les fleurs multicolores, les arbres verdoyants qui évoquent les tropiques sous un ciel miraculeux, au bord d'une mer d'azur. Car l'île de Madère a été justement appelée le « Jardin de l'Atlantique ». Placée sur la route qui conduit, vers l'Afrique du Sud, elle est la première terre qui annonce les régions tropicales, comme, lorsqu'on re vient de -là-bas, elle ést la dernière à rappeler ces contrées ûTfrà-m'é'rldîoriâles. De la mer, le spectacle est incomparable. Au flanc des hautes montagnes se déroulent des rideaux de ver dures faits de vergers, de vignes, d'orangers, de citron niers, de limoniers, d'agaves et de palmiers. En appro chant, la féerie s'accentue, prend de la couleur. Car les fleurs sont innombrables à Madère : azalées, bégonias, camélias, bougainvilleas évoquent les terres ensoleilées du Sud. Le spectacle est d'autant plus frappant qu'il est fait de contrastes. A cette nature enchanteresse s'opposent, en effet, des rocs, des pics, des terrasses de basalte, des ravins, des précipices, tout un paysage tourmenté qui indique les origines volcaniques de cette île charmante. Et tout ce paysage est traversé par des torrents et des rivières sinueuses qui forment, çà et là, les cascades les plus fraîches. Le regard est arrêté et séduit par tant de contrastes. Nombre de cultures viennent à souhait dans cet Eden, mais la plus prospère est assurément la vigne, le.raisin blanc qui donne un vin devenu célèbre. Et le climat y est si égal et si doux ! Voici Funchal, la capitale, placée au fond d'une longue baie, qui vous invite à descendre. Elle vous y invite par l'aspect de ses maisons riantes, de ses innombrables jardins et de ses costumes pittoresques. Les paysannes y circulent dans les rues à dos de mulets, vénant des hauteurs d'où elles apportent des fruits de toute sorte, cueillis dans les vergers. Car tous les fruits viennent à Madère, ceux des tropiques comme ceux de chez nous. Et la goyave Voisine avec l'abricot... Or, c'est dans un pareil pays qu'a éclaté la révolution ! D'ailleurs, si cette révolte offre un caractère attristant, elle n'est pas moins pittoresque. On pense à Mérimée. Des troupes venues de Lisbonne pour rétablir l'ordre sur la demande du gouverneur, auraient donné prétexte à de nouveaux troubles, suscités par des déportés qui auraient réussi à faire emprisonner ledit gouverneur! Cependant, l'autorité, de nouveau victorieuse, aurait fait diriger ces déportés aux îles Açores, lesquelles, conta minées à leur tour, sont aujourd'hui en état de siège ! Tout cela est un peu obscur, vous m'avouerez, obscur, mais d'une telle couleur 1 Peut-il en être autrement sous un ciel pareil ? Ludovic Fert....