Extrait du journal
A l'occasion d'une attaque violente à la vie privée par une feuille hebdomadaire, quelques grands journaux se sont émus et se sont demandé si la législation actuelle en France était suffisamment armée pour mettre à cou vert l'honneur des citoyens. Le Journal des Débals, sans croire pour cela à l'insuffisance des peines qui frappent le diffamateur, a été amené à faire à cet égard un rappro chement entre les lois françaises et les lois anglaises. 11 s'est prononcé pour l'efficacité de ces dernières, qui attei gnent le coupable dans sa fortune et parfois consomment sa ruine, sans se préoccuper autrement par quelle voie la diffamation s'est produite. C'est à l'opinion avancée par le Journal des Débats, que M. Granier de Cassagnac a répondu dans le Constitu tionnel du 26 juillet dernier. Cette réponse d'un écrivain, qui, dans la presse, semble avoir la spécialité des solutions, devait être remarquée et l'a été en effet. M. Granier de Cassagnac, après avoir très bien expliqué qu'avant de na turaliser chez nous la législation anglaise en matière de diffamation, il fallait, de toute nécessité, nous donner des mœurs anglaises, a cherché ailleurs le remède au mal. Il a demandé que la loi qui réprime le délit fût assez forte pour le prévenir, ce qu'on obtiendrait; selon lui, en éten dant aux journaux littéraires le régime auquel est soumise la presse politique, et en rendant plus efficace et plus étroite la responsabilité des imprimeurs. Au moment de s'engager dans la voie des sévérités, e demande qu'on réponde à cette simple question : de quoi s'agit-il ? et qu'on n'envenime pas le débat avant de savoir sur quoi le débat doit porter réellement. N'imitons pas les savants allemands dont parle Fontenelle dans son livre des Oracles. Le bruit s'étant répandu qu'un enfant, né en Silésie, avait une dent en or, la science se partagea en deux camps : les uns écrivirent de lourds in-folios pour prouver qu'on pouvait venir au monde avec une dent en or ; les autres publièrent de non moins lourds in-folios pour établir qu'il était impossible de naître avec une dent en or. Lorsque les volumes furent achevés de part et d'autre, on s'avisa pourtant de vérifier le fait miraculeux, et l'on reconnut, un peu tard, que la dent de l'enfant était une dent naturelle sur laquelle on avait appliqué une feuille d'or. Quelques-uns des grands journaux disent que la petite presse a la dent trop dure ; je demande à voir la dent ! Remarquez bien que le prétexte d'une aggravation ré clamée dans la loi qui doit réprimer ou prévenir les écarts du journal littéraire, ce n'est pas le journal littéraire qui l'a fait naître et qui le justifie : c'est un homme, dont je ne me fais pas le juge, un homme incarné dans une feuille,...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - granier de cassagnac
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