Extrait du journal
Mon Dieu !. comme il faut plaindre les femmes vouées à l'élégance, les martyres delà parure, les juives-errantes de la mode qui marchent; marchent toujours à la con quête d'une forme ou d'une étoffe nouvelle. • Quelquesunes envient ces princesses de la soie, dii velours et des. falbalas; d'autres se fâchent tout rouge contre leur de vise : .« Tout pour le luxe et par le luxe ; » — elles me font pitié, car elles souffrent cruellement, pour la plu part. Oh I qu'il faut souffrir quelquefois pour être la plus belle ! Au prix de quels expédients, de quels abaissements, le camp des bourgeoises achète ses splendeurs ! Elles lut tent, à armes inégales, contre les dames aux camellias qui ont le genre masculin tout entier pour tributaire de leurs magnificences ; elles n'ont qu'un mari à ruiner, — maigre chère ! — Comment soutenir la concurrence ? - à force de ruses, d'artifices, et de petits stratagèmes humi liants pour celles qui les emploient. J'ai mis par hasard la main sur une créature très ex perte en ces matières, une marchande à la toilette. Elle avait dans son magasin une pyramide de robes entassées; robes d'occasion, quoiqu'elles fussent dans tout l'éclat de leur neuf. — « Vous voyez, nous dit la revendeuse, en nous montrant le tas splendide et a peine chiffonné ; c'é tait hier à mademoiselle Anna D"", qui avait payé le tout quatre ou cinq mille francs, il y a à peine un mois. Nous avons fait affaire ce matin à six cents francs... Elle avait une dette de jeu à payer, et ses amies voulaient forcer Cellarius à ne plus la recevoir à ses bals tant qu'elle leur devrait. Elle a fait de l'argent avec ses nippes... Demain,1 il ne me restera plus rien de tout ça. J'ai dans ma clien tèle cinq ou six femmes du monde, —et des hdppées, — qui sont à l'affût de ces occasions-là. Elles ne font pas les bégueules quand il s'agit d'une belle robe, k bon mar ché, allez ! Le diable l'aurait portée, elles la porteraient tout de môme, après lui, s'il ne l'avait pas roussie. Anna n'est pas un diable, ce n'est qu'une bonne fille. Ses robes, un peu retouchées par ci, un peu rafraîchies par là, vont faire figure dans les salons du grand monde... Pauvre Anna 1 Tenez, en voilà une bleu de ciel, qu'elle n'avait mise qu'une fois, — aussi une comtesse me l'a déjà re tenue. » Eh bien, je suppose que le bleu sied à ravir à cette comtesse, que la robe d'Anna D..., savamment appropriée ii sa nouvelle destination, ira, comme un gant fait sur me sure, à sa nouvelle propriétaire et lui procurera des triomphes. Ses rivales diront en la voyant : « — Comment tait-elle? Il n'y a que 20,000 livres de rente dans ce rné-' #! ta reproduction est interdite....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - b. jouvin
- cellarius
- paris
- madrid