Extrait du journal
XXXI Je suis une hirondelle d'hiver, le soleil me chasse, le froid nie ramène. La-campagne est ,triste,4«s prés sont sase-verdure, les arbres sans feuilles et les oiseaux sans voix. Les jours sont courts, mais Paris s'illumine de mille feux qui percent l'obscu rité des nuits. C'est vers ce centre de lumière et de vie que se replient les ailes lassées des voyageurs. C'est là que sont reve nus tous ceux qui tiennent une place, ou qui jouent un rôle aubeaupays de France; tous ceux quiparlent, ou quifont parler d'eux ; tous ceux qui écrivent et tous ceux qui lisent. Les théâ tres s'emplissent, le Palais iourdonne, et chaque avocat qui plaide trouve un magistrat qui l'écoute — ou qui fait semblant. Et cependant, fous que nous sommes, si nous ne dansons pas sur un volcan, nous rions sous un déluge. Nostradamus a prédit que la Seine engloutirait la coupole du Panthéon, et ferait tourner les moulins des buttes Montmartre. Aujourd'hui on ne lapide plus les prophètes, mais on ne croit pas aux pro phéties. En tous cas, s'il devient nécessaire de construire une arche, je recommande à Noé d'être sévère sur les admissions. Je commence aujourd'hui ma troisième campagne. Depuis deux ans j'ai fait laguerre de buissons, démasquant un ridicule ou flagellant une sottise. J'ai lancé au plus épais des vanités humaines une flèche perdue, mais que j'essayais de diriger juste. Ma fantaisie fut mon guide, et mon caprice ma loi. J'ai voulu être vraie, j'ai tâché d'être gaie. Je n'ai pas couru après l'esprit, aussi ne l'ai-je pas atteint. En pareille entreprise l'é chec condamne, le succès absout. Ma prétention n'est pas grande : distraire autrui, m'amuser un peu, et établir, entre chaque lecteur et moi, le courant d'une sympathie mutuelle et le lien d'une amitié voilée. Ce journal m'ouvre pour la troisième fois ses colonnes hos pitalières ; il a réuni en un volume mes lettres de ces deux an nées. Le volume va paraître ; je le lirai avec autant de plaisir que j'en ai eu à l'écrire. Figaro croit donc que j'ai quelque ta lent et que j'ai eu quelque succès? Pauvre Figaro, tu voyais mieux à Séville ! Mais ton excuse est trop flatteuse pour que je ne te remercie pas d'y être tombé, bien que je te sache, pour y reeter longtemps, l'esprit trop fin et le jugement trop droit. Les quelques lignes qui précèdent sont en guise de préface, ne les lisez pas. Les préfaces sont toujours guindées. On les écrit pour suivre l'usage, mais elles ont cet immense défaut, qu'on y parle de sa personne avec tout le respect qu'on lui porte, et il est presque impossible, quelque modestie qu'on ait, de parler un peu de soi sans se louer un peu trop. II y a un an, presque jour pour jour, j'éerivais, — dans une lettre qui a eu les honneurs du Palais-de-Justice, — que si les générations s'abîmaient tour à tour dans le torrent des siècles, l'humanité se reproduisait sans cesse dans des êtres doués d'une même ressemblance et frappés à la même effigie. Le langage se modifie, les mœurs s'altèrent ou s'épurent, le flam...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - g. bourdin
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