Extrait du journal

trice et surtout les qualités d'écrivain de Mme Sand sont hors de cause, et nul paradoxe, si ingénieux et subtil qu'on le suppose, ne viendrait à bout de rabaisser des mérites devant lesquels s'inclinent respectueusement les plus délicats et les plus difficiles. Ne vous semble-t-il pas cependant que ce qui élève si haut Mme Sand, c'est surtout la bassesse de ce qui l'entoure? * Certes, son œuvre est un monument à la durée duquel est intéressé notre orgueil national et que sans doute le temps respectera. Il n'est pas un seul des livres de M»10 Sand dont le lecteur qui a l'esprit un peu bien situé ne soit tenu à dire grand bien, s'il l'oppose aux ouvrages sans nom dont nous sommes empestés; il n'en est pas un non plus dont il ne puisse penser un peu de mal s'il l'examine en lui-même et isolé de ses indignes rivaux. Un humoriste français disait : Je me trouve laid quand je me regarde ; beau, quand je me compare. Dans un temps où l'important n'est pas de bien faire, mais de faire beaucoup, et où les écrivains ne se donnent même plus la peine d'écrire, Mme Sand, avec une persévé rance, une sérénité , un tempérament d'artiste vraiment merveilleux, continue à demander* au génie son secret le mieux gardé et à jeter sur d'assez pauvres carcasses le riche manteau de sa prose, solide, ample, magnifique, et travaillée de main d'ouvrier. Si nous apportons dans nos jouissances littéraires l'égoïsme des raffinés, il faut lui savoir gré de cette persis tance ; mais peut-être s'il s'agit de Mme Sand elle-même et de ses plus cliers intérêts, convient-il de se moins réjouir....