Extrait du journal
LES JOURS SE SUIVENT BEAUTÉ DU NORD Je ne sais si celte jolie Finnoise, qui est devenue Miss Europe, va devenir Miss Uni vers, portant .ainsi, du fait de ce nom, une royauté 'qui dépasse les humains pour comprendre aussi celle des espaces infinis. Mais je sais bien qu'avant sa royauté euro péenne, quand elle n'était encore que Miss Finlande, je l'avais élue pour mon goût de préférence à toutes ses camarades. Je lui trouvais une beauté charmante et forte, une vraie jeunesse, un regard ouvert, ce rayonnement, enfin, qui donne le goût de la vie et qui est une séduction suprême. Je ne crois pas que l'Orient, qu'une beauté sombre puisse inspirer le même sentiment. On y rencontre autre chose : rêverie, as pirations idéales, et comme une volupté montée du fond des âges. Mais point cette jeunesse tonique et ce regard clair vers l'avenir... Soyez sans crainte : je ne fais pas de ra cisme. Je me moque de l'aryenne pure et je ne m'embarque pas, comme Gobineau, sur la barque des Vikings, à la recherche de l'inégalité des races humaines. Mais j'exprime une impression, peut-être même un instinct développé par notre époque qui, lasse d'elle-même, se tend vers ce qui lui parait jeune et neuf. Nous abandon nons peu à peu les langueurs du soleil pour le Nord glacé et ces blonds visages qui resplendissent dans les neiges... Vous eonfierai-je que l'apparition par laquelle j'ai peut-être été le plus touché, fut celle d'un certain février norvégien, un rare jour de soleil où je me promenais sur les coteaux blancs d'Holemkhôlen. Au dé tour d'un chemin, soudain, bondit une de ces jeunes filles que le Jérôme de M. Mau rice Bedel a paru avoir tant de mal à com prendre. Elle s'enivrait de neige et de solitude. Comme un animal surpris, elle s'arrêta, droite sur ses skis, le, visage bril lant, les cheveux au vent (elle avait mis son béret dans la poche de son pantalon), res pirant, sanglée dans sa courte veste, et si pure, si joliment animale, qu'elle déga geait une contagieuse joie de vivre. Elle regarda l'étranger, qui n'était qu'un pro meneur, sourit et après un instant repar tit avec la vivacité de l'oiseau. Jamais je n'ai revu quelque chose d'aussi frais, de moins captif, d'aussi propre en apparence à nous guérir de nos vieux songes... J'ai pensé à cette fugitive devant le portrait de sa jeune voisine — promue à la royauté d'une Europe, qui découvre à son' tour, dans une beauté du Nord, l'image de la jeunesse et de la vie. Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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