Extrait du journal

Un Parisien qui avait voulu rester jusqu'à dix heures à la Chambre, hier matin, pour regarder de bout en bout cette séance de vingt-quatre heures, le budget voté, sortait avec un ami. — Ah ! le laid spectacle, lui disait-il. J'emporte l'impression d'une espèce de cuve où sont déchaî nés de méchants fous. Dansant la ronde des mil liards sur des paroles débitées, presque chantées, par certains d'entre eux, ils n'agissent qu'à l'envers du bon sens. ■— C'est plus affreux encore que vous ne pensez. Ces gens savent ce qu'ils font. Vous croyez qu'ils pillent le Trésor en aveugles cupides ? Point. N'avez-vous pas noté comme est bien tenue la comptabilité de leurs gaspillages ? N'avez-vous pas entendu le résumé du reporteur général ? — Il parlait d'un excédent de 208 millions. — Excédent apparent, disait-il, et voici oe qu'il ajoutait : « Quand le budget reviendra du Sénat i'1 faudra inscrire, pour les assurances sociales, 150 millions ; pour le programme naval, 120 mil lions ; pour les retraites d'ancienneté, 160 mil lions ; pour les retraites des ouvriers, 1.500.000 fr. Au total, 431 millions 500.000 francs. Compte tenu des réductions de crédits proposées par le gouver nement et qui seront faites par le Sénat : 234 mil lions, l'excédent définitif ressortira à 10.739.644 francs. » C'est un excédent de 20 sous sur 5.000 fr. ! — Et si le Sénat ne votait pas ces réductions ? — Le déficit serait de plus de 200 millions. — Parbleu ! Comment l'équilibre sortirait-il de cette maison de déséquilibrés ? — Je vous répète qu'ils ne sont pas fous... — Quoi ? Jugez-vous donc sains d'esprit ces pères de famille, ces bourgeois prêts à se jeter dans cette triple aventure de l'école unique, si bien dé finie par M. Louis Marin : aventure scolaire, aven ture financière, aventure politique ? Ils votent oui, ils voter.it non, ils crient, s'agitent, s'insultent, s'amusent, repoussent l'avis du gouvernement à mi nuit et lui donnent par 60 voix de majorité à deux heures du matin leur pleine confiance ?... Cela res semble vraiment à quelque récréation d'aliénés... — Si vous aviez voulu comprendre, vous vous seriez souvenu de la fameuse césure, la coupure en deux dont il a été tant parlé l'autre semaine. Vous auriez vu d'un côlé M. Tardieu et sa majorité qui n'a été engagée dans la mêlée mercredi qu'une fois, mais avec plein succès. De l'autre, logique et sui vant son plan, ,-M. Blum avec le^s siens, dirigeant, surveillant le Cartel. Le gros de son année, C^est le parti radical, dont une déception nouvelle a exas péré la fureur socialisante et auquel se sont joints tous les chevaliers de la rancune. M. Herriot a re pris un commandement... Que M. Herriot est à plaindre ; M. Herriot, si tolérant, s'est immolé na guère à la tactique de l'opposition dans l'affaire des missionnaires ; national, il s'était (jadis promené derrière les drapeaux rouges ; libéral, il se sacrifie encore : il plaide avec M. Bracke en faveur de la préface fatale d'un enseignement monopolisé. Sa troupe est suivie des flottants. Ceux-là se ruent à toute démagogie dès que le gouvernement ne veut ou ne peut poser la question de confiance. Claque le fouet ministériel, vite ils rejoignent l'armée ma joritaire. Dans cette foule, chacun sait sa partie et la joue. — Et c'est ça le contrôle des finances ? Et vous trouvez ces gens sensés ?... Henri Vonoven....