Extrait du journal

Camille Saint-Saëns, le maître compositeur, qui'est en ce moment aux îles Canaries, nous adresse la lettre et l'article suivants, que nous insérons avec un vif plaisir pour nos lecteurs : Las Palmas, 4 avril 97. Cher monsieur, . Je vois qu'on parle toujours de la question des chapeaux de femme au théâtre; j'ai rédigé une petite note sur ce sujetet je vous l'envoie à tout hasard, dans l'espoir que vous ne la trouviez pas indigne du grand honneur d'être insérée dans le Figaro. Si vous êtes d'un avis contraire, vous ne l'insérerez pas, et tout sera dit. Agréez mes compliments les plus empressés. C. Saint-Saens. Les personnes privilégiées qui n'ont besoin que d'un guéridon pour causer avec les grands; hommes de l'antiquité devraient bien en pro fiter pour consulter Aristote : l'occasion serait bonne pour lui d'ajouter un paragraphe' à sqn fameux « chapitre des chapeaux ». Quel tapage pour cette question qui menace de s'éterniser, alors qu'une simple ordonnance de police y pourrait mettre fin ! La résistance des femmes à ce sujet est étrange ; car enfin, si le chapeau d'une femme gêne la vue des spectateurs placés derrière elle, les chapeaux des autres doivent gêner la sienne également. Malheureusement les femmes,allant au théâtre, en France, beaucoup moins pour voir que pour être vues, sont insensibles à ce raisonnement. A Londres, il y a beau -temps que le problème est résolu. De toute éternité, les femmes vont aux fauteuils d'orchestre à Covent-Garden ; elles n'y vont pas tête nue, ce qui serait regardé comme une inconvenance : elles mettent sur leur tête un biiou, une fleur, une dentelle, un...