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Le Figaro, 15 juin 1932

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Le Figaro
15 juin 1932


Extrait du journal

La mode a des retours singuliers et charmants, mais, en vérité, ne serait-elle pas le reflet fuyant, excessif et déformé d'une âme collective et momentanée ? On pré tend qu'on obéit aveuglément à la mode alors que, sans doute, elle naquit spontanée d'une nécessité ou d'une aspi ration de l'heure. Vous affirmez la mode illogique, incon séquente... reconnaissez simplement qu'elle a, comme le cœur dont elle émane, des raisons que la raison ne connaît pas encore, qu'elle suit avec rigueur, mais désinvolture, le plus implacable, le moins versatile de nos guides, l'ins tinct. Dis-moi comment tu te vêts je te dirai ce que tu es, pourrait-on dire aux femmes..» dis-moi ce que tu chantes je te dirai ce qui te hante, devrait-on ajouter pour les peuples. L'après-guerre apparut une récréation et nos compagnes s'en allèrent, cotillons courts, nuques rasées, vers des plaisirs immédiats. Pourtant, durant la frénésie un peu simiesque qui secouait le monde, elles éprouvaient la confuse impression d'une sorte d'abdication. Ne renon çaient-elles pas à l'amour en renonçant à la pudeur ? En respectant moins leur foyer ne se respectaient-elles pas moins elles-mêmes ? Leur vœu de devenir l'égale de Thomme ne leur faisait-il pas perdre leurs plus précieuses prérogatives ? Aussi pour correspondre à ce malaise ina voué il fallait le regret d'un Paradis perdu. Les mélodies nègres en furent l'écho obsédant. Elles exprimaient la nostalgie héréditaire de l'époque heureuse où la civilisa tion noire s'épanouissait sereine, où le Sahara était un golfe bleu et ses plateaux arides des côtes embaumées. Puis tout s'apaise. La crise qui sévit entre chaque fron tière brise la spéculation internationale, le vent de la grande pénitence souffle les girandoles. De même que les pays se referment économiquement sur eux-mêmes, les hommes se recueillent et cherchent leur vraie voie... celle que la nature impose et hors de laquelle il n'y a que troubles et' perditions. Les robes se rallongent, les che veux repoussent... les nègres se taisent et chaque pays s'essaye à fredonner sa chanson nationale. Ne souriez pas. Déjà, à Montmartre, telle « boîte » redevient montmartroise, son décor évoque une place de la Butte, son orchestre scande des danses nouvelles d'avoir été oubliées. Un bar où tout le Paris artistique s'écrasait entre des murs couleur de miel pour apprendre l'art nou veau, devient musette à son tour. Non le musette sinistre des bas-fonds, mais l'aimable bal des faubourgs où tour nait autrefois la jeunesse en liberté. Après la musette plaintive nous entendons la vielle hâtive et essouflée, les tambourins provençaux, et voici les accordéons qui étirent les refrains de nos carrefours au lieu des mélopées de la pampa. La mode fut en voyage, mais revient s'installer à Paris. Lucien Farnoux-Reynaud....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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