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Le Figaro, 15 mai 1894

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Le Figaro
15 mai 1894


Extrait du journal

Paris comptera à la fin de cette semaine un théâtre de plus : le Théâtre Social. Où sera-t-il installé ? A la Maison du Peuple de Paris, rue Ramey, 47. Depuis une huitaine de jours, les ouvriers aménagent la scène, longue de . sept ou huit mètres, large de six à peine. Deux co lonnes en bois peint, recouvertes d'attributs, un fronton avec lyre, lauriers et bonnet phry gien, deux décors représentant un jardin et un salon, six cents chaises environ, voilàle théâtre 1 Tout cela est grossièrement fait, et les specta teurs pourront se croire revenus au beau temps de Shakespeare. Cependant, que de peines a coûté cette rudimentaire installation. Les premiers frais qu'elle entraîne sont couverts . par des souscriptions volontaires dont la plus forte n'atteint pas dix francs. Plus nombreux sont venus les sous. Enfin tant bien que mal on est arrivé à réunir les premiers foûds né cessaires à l'entreprise. Les socialistes qui en ont eu l'idée se montrent satisfaits. Ils tou chent à leur rêve : la propagande socialiste et révolutionnaire par le théâtre. Le Théâtre social ne poursuit pas en effet d'autre but. Le public se lasse, parafe-il, des' conférences. On en fait partout et surtout. Les hommesy vont encore parfois, mais les femmeS s'en désintéressent complètement. Or, cette clientèle, qui leur a jusqu'à ce jour échappé, les socialistes la veulent attirer et retenir. A deux pas de la Maison du Peuple socialiste, M; l'abbé Garnier a ouvert tout récemment la Maison du Peuple français. On n'y entend point seulement des orateurs à l'éloquence plus ou moins persuasive : on s'y amuse, on y chante. Qui sait si, demain, on rf'y dansera pas ? Il devenait urgent, pour les socialistes, de trouver quelque chose, un clou qui permît de lutter contre cette terrible concurrence. Le Théâtre social sera-t-il ce clou ? On l'espère. D'après ses promoteurs, le peuple n'a pas de théâtres où il puisse s'instruire. Les uns sont, pour lui, d'-entrée trop coûteuse ; dans les autres, les pièces représentées sont, trop littéraires; il ne les comprend pas faute d'une culture intellectuelle suffisante. Enfin , le Théâtre-Libre, VŒuvre, dont les spectacles lui pourraient être profitables, ne lui sont pas accessibles. Et cependant, quel meilleur moyen d'instruction, de propagation des idées, que 1« théâtre ? • Comment fonctionnera l'entreprise ? Elle n'est encore qu'à la période d'essai, mais déjà l'on nous promet ^es surprises, une pièce à sensation ..... D'un auteur inconnu Qui ne dit pas son nom et qu'on n'a point revu. Un comité de lecture fonctionnera, tout comme à la Comédie-Française ! Il se compose en majeure partie des membres du Conseil d'administration de la Maison du Peuple. C'est lui qui examine si les pièces qu'on propose de jouer sont conformes à l'esprit du programme socialiste 1 Le comité de lecture a déjà dressé le programme de la soirée d'inauguration dont la date est fixée au samedi 19 mai. Il ne man que pas de saveur, ce programme de début : La soirée commencera par une conférence de M. Maurice Barrés — un chaud partisan de l'idée sur le théâtre social. Après ce. prologue très littéraire, on jouera deux pièces de la citoyenne Paule Minck/La première, en deux actes, a pour titre : Qui remportera ? "L'esprit nouveau y est aux prises avec l'esprit ancien. La seconde œuvre n'a qu'un acte.: Le Pain de la Honte. De jeunes artistes animés d'un beau zèle socialiste interpréteront les rôles de ces deux ouvrages. Puis, pour terminer la soirée; un ar tiste parisien de beaucoup de talent, paraît-il, déclamera les. Incendiaires, une [poésie de Vermesch, ancien rédacteur du Père Ducheshe, pendant la Commune, dans laquelle les bourgeois ne sont pas traités trop aima, blement, on peut en être persuadé 1 Cette tentative de propagande révolution naire aura-t-elle un lendemain ? Ses organisa teurs l'ignorent à l'heure actuelle. Ce qui manque le. plus —.en .dépit du - fabuliste — ce sont les fonds... Et puis, quelle sera l'attitude de la police ? On ne jouera que si M. le préfet le veut.. Etrivières....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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