Extrait du journal
. La monographie de ce jeune AngtoSaxon qui, destiné par ses parents au -collège d'Oxford, abandonne ses études, de sa décision privée, pour aller gérer la boucherie d'un grand hôtel américain et garder des bœufs dans l'Ouest, m'a valu des lettres de pères de famille, dont quel ques-unes étaient sévères : { « Apprenez, monsieur, disaient en substance ces honnêtes gens, que la bourgeoisie française ne procrée pas des fils pour en faire des intendants et des vachers...» J'aurais conté" que mon jeune colon s'était fait épicier ou marchand d'habits qu'ils auraient tout de même secoué la tête. La bourgeoisie française ne sait pas trop où elle va, mais elle a/sûrement ou blié d'où elle sort. *** Et d'abord, que signifie-t-il, dans son acception étymologique la plus ancienne, la plus large, ce mot de « Bourgeois » ? Le « bourgeois », c'est l'homme du « bourg », l'homme de la ville, opposé à l'homme des champs. Dans la solitude dés campagnes d'autrefois, le paysan est livré à lui-même. Il faut qu'il se suffise, qu'il bâtisse sa maison, fabrique ses ou tils et transporte sa récolte. A la ville où l'on est groupé, le travail se divise, la division crée des catégories ; la catégorie a tôt fait de hiérarchiser des castes. Le «bourgeois«devientbien vite distinct de r«artisan ». C'est un homme qui fait exé cuter par d'autres les besognes serviles de son état. Sa véritable originalité, c'est d'être un intermédiaire entre celui qui travaille la matière brute et celui qui l'achète ouvrée. Il est « un marchand ». Si vous voulez vous faire une exacte image de ce que fut dans le passé cette bourgeoisie de la boutique, voyagez un peu en Europe. Allez, par exemple, en Russie, où la bourgeoisie n'existe pas encore. Visitez les marchands de Mos cou, les petits et les gros, vous verrez sur le vif comment une bourgeoisie achète à beaux deniers ses privilèges, comment elle monte patiemment, com. mentelle passe de l'ombre au soleil, com blent le fils du drapiep devient le' « bour geois gentilhomme». . ' "— Votre père, monsieur, n'était pas drapier, mais il avait du drap chez lui, et, comme il était fort complaisant, il en cédait pour de l'argent aux personnes qui lui en demandaient. » Voilà les précautions que déjà du temps de Molière il fallait prendre pour parler au bourgeois enrichi des origines de sa fortune. Croyez-vous que cette va nité a diminué chez nos contemporains ? Le financier, le mandarin pourvu d'un diplôme, le bourgeois enrichi qui fait partie d'un club, d'une part, et le bouti quier d'aujourd'hui sont en face l'un de l'autre dans une situation qui rappelle singulièrement les positions du noble et du bourgeois dans l'ancien régime. Même dédain d'une part, même envie de l'autre côté, mêmes malentendus de cas tes qui se mesurent ou se toisent. .. Certainement, si vous demandez à un parisien du boulevard Haussmann, au Français bien renté qui a hôtel sur un parc: • — Qui êtes-vous ? Il répondra : — Un bourgeois, parbleu!... — Et votre chemisier? votre cordon nier? Sont-ils aussi des bourgeois? — Ce sont des marchands... — Est-ce que yous les recevez à votre table? Est-ce que vous les invitez à vos soirées? — Vous plaisantez, je crois! ce sont des boutiquiers, ce né sont pas des « gens du monde ». On ne fraye pas avec eux... La fortune du marchand ne fait rien à J'affaire. J'ai eu un grand-père qui était armateur de voiliers et qui faisait venir du coton par ses navires. Il le vendait en balles. C'était l'homme • du monde, le plus simple et le plus ignorant de ce qu'ils nomment aujourd'hui « snobisme». Cependant il n'aurait pas reçu dans son intimité M. Boucicaut, qui vendait le coton en écheveau. Il estimait que celui qui débitait au détail n'était pas un ci toyen de sa caste. Les hommes de notre génération sont, les fils, les petits-fils de ce préjugé-là. Il avait une signification qu'il ne faut pas négliger alors même qu'on le con damne dans son excès. Il indiquait que la bourgeoisie. française était assez éduquée pour estimer sa dignité plus que son argent. Le négociant qui vendait le coton en balles n'avait affaire qu'à ses égaux et à ses pairs, des négociants indépèndants comme lui- même. D'autre part son commerce se traitait par lettres, il .n'avait pas de contact direct avec la marchandise. Son genre d'affaires exi geait une culture générale, de larges connaissances géographiques et écono miques, — toute une philosophie par la quelle le « négociant » se sentait anobli. Le «marchand», au contraire, lui appa raissait comme déconsidéré par le contact direct avec la marchandise et avec la clientèle. Il l'apercevait montant avec empressement sur un escabeau pour ^atteindre ses cartons, déballant, remballant, prenant beaucoup de peine matérielle pour retenir le client qui ne trouve pas ce qu'il veut. Surtout, il soup çonnait ce marchand de détail de passer par - dessus -l'impolitesse du premier venu, pour faire marché, de sourire à crfu» oui était entré dans sa boutique...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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