Extrait du journal
De même que le cuirassé France, le croiseur Edgar-Quinet a coulé sur un rocher qui n'é tait pas porté sur la carte. Les deux seuls ro chers que les cartographes n'avaient point repérés ont trouvé le moyen de signaler leur existence. Dans la prochaine édition du Tout-Océan, ils figureront en bonne place. Le temps n'est plus où les navigateurs se gui daient les yeux fixés sur l'étoile polaire, puis, lorsque cet exercice leur avait donné le torticolis, se pen chaient à l'avant des blanches caravelles pour cher cher leur route parmi les' étoiles de mer. Aujourd'hui, la route des navires est tracée à la surface de l'Océan aussi bien que celle des piétons au carrefour des Ecrasés. Sur les côtes, des phares font battre pour eux leur grand cœur lumineux, afin de ies garder des récif# et les balises leur indiquent les courants. Pour trouver son chemin, le pilote n'a pas besoin de diviser le nombre des passagers par l'âge du capitaine. Il a sa carte, aussi détaillée que celle des environs de Paris, qui lui indique lés voies navigables, les tournants dangereux et les dos de baleine, les agglomérations, comme la mer des Sargasses, où l'on doit ralentir à cause des petites anguilles et même les îles où l'on loge à pied et en bateau. Que ne sommes-nous des navires, pour jouir des mêmes privilèges ! Nous nous lançons dans la vie sans .phares, sans boussoles et sans cartes. Il nous faut avancer à tâtons et reconnaître nous-mêmes notre route. Nous nous aventurons sur des fonds trop bas pour notre tirant d'eau, au milieu de bancs de sable et de rochers inconnus. A chaque minute, nous risquons de nous échouer et de couler. Aucun moraliste, aucun philosophe, aucun sage patenté, n'a jamais dressé une véritable carte de l'existence. Il y a bien la Carte du Tendre, mais elle n'est que littéraire. Fût-elle d'un usage pra tique qu'elle serait encore insuffisante. On ne .voyage pas seulement sur le Fleuve Amour et sur la Mer de Tendresse. Nous naviguons aussi sur l'Océan des Affaires, nous passons le Détroit des Amitiés Perfides et le Canal de la Confiance-malplacée ; nous voguons sur la Mer de la Santé sans en connaître les courants et nous côtoyons le Cap du Beau-Mariage sans savoir par quelle baie on y aborde ni par quelle anse on le fait danser: Nous n'avons aucune sécurité, rien ne nous in dique , la route qu'il faut suivre, rien ne nous si gnale les récifs ; qui vont ouvrir une : voie d'eau dans notre bourse ou dans notre cœur, et nous n'avons même pas une Rose des Vents à effeuiller pour savoir si l'on nous aime. ■— Papa, si nous étions petits bateaux, nous pourrions faire le tour du monde d'un pas assuré. — Eh ! oui, petit bêta, et ça ne nous empê cherait pas de tomber sur quelque bec de gaz qui ne serait pas porté sur les cartes. James de Coquet....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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