Extrait du journal
masculine avait su inculquer à la naïveté féminine, dans l'intérêt de ses plaisirs et dans la férocité de son égoïsme. C'est encore la petite bourgeoise de Mona Caird qui va nous aider à mettre ici le - doigt sur le point sensible. En douze ans de mariage, elle a eu six enfants, et ces maternités répétées ont ruiné sa santé. Elle est vieillie avant l'âge ; elle est usée, éreintée, aplatie au physique et au moral, elle tremble d'avoir une autre grossessè — mais elle n'a pas voix au chapitre. Il a été convenu entre hommes, une fois pour toutes, que la femme n'aurait pas voix au chapitre sur un sujet qui est trop délicat pour y in sister ici, et c'est ce qui révolte absolu ment nombre d'Anglaises. Elles ne peu vent plus supporter d'être asservies dans leur corps ; elles ne veulent plus suppor ter d'être un instrument de plaisir; c'est trop humiliant, trop outrageant: « Avant d'être épouse et mère , a dit JeanPaul, la femme est un être humain. » Romans ou pamphlets, articles de revues ou de journaux nous renvoient le même cri de détresse et d'horreur, la même ma lédiction contre les pères et les mères qui n'ont pas prévenu leurs filles, qui les ont laissées dans l'ignorauce de ce que « signifiait le mariage ». Quand il survient beaucoup d'enfants, alors c'est « l'immolation «complète dé la femme. Nous admirions, en France, les grandes familles, anglaises. Nous portions envie à oette race, restée assez vigoureuse pour supporter sans fatigue une pareille fécondité. Il paraît que nous avions tort. La fatigue est venue, à la longue, et les mères de nombreuses fa milles sont presque toutes épuisées, comme la petite bourgeoise de Mona Caird. Elles demandent aussi grâce pour leur chair torturée, leur jeunesse flétrie, pour « l'être humain » qui est en elles, qui réclame son développement, et qu'on sacrifie aux fonctions de la femelle : « Combien y a-t-il de milliers de femmes pour lesquelles la naissance de leurs enfants est un fardeau intolérable, et qui en éprouvent un désespoir farouche, auquel beaucoup ne demanderaient qu'à échapper par la mort ! » fit ailleurs : « La dépendance est la; malédiction de nos mariages, de nos foyers et <}e nos enfants — nos enfants nés de femmes qui ne sont pas libres, pas même libres de refuser de les enfan ter. Si la chose était possible, il serait in téressant, quoique pénible selon toute probabilité, de savoir quelle est la pro portion des enfants qui viennent au çaonde.
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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