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Le Figaro, 18 juillet 1879

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Le Figaro
18 juillet 1879


Extrait du journal

Versailles, jeudi. C'est toujours la commission sénatoriale, nommée mardi pour examiner la loi Ferry, qui accapare l'attention du monde parlemen taire. On m'a dit d'elle aujourd'hui bien des choses étonnantes, qui vont à l'encontre des projets et des idées qu'il semblait naturel de lui- prêter, mais que j'ai lieu de croire parfaite ment exacte, attendu que je les tiens d'une source tout particulièrement autorisée. Tout d'abord, la commission serait disposée, non pas à retarder, mais à hâter son travail, de façon que le Sénat puisse se prononcer avant les vacances. Cela résulte non pas de résolu tions formelles, puisque la commissiofl ne se réunit officiellement que demain vendredi, mais d'impressions échangées entre les cinq membres qui en forment la majorité. Il leur a paru expédient de battre le fer pendant qu'il est chaud et de ne pas s'exposer aux revire rements qu'un ministère, quand il a du temps devant lui, peut toujours déterminer dans une assemblée qui ne se pique point d'être absolu ment inébranlable. Les membres de la commission ont encore devant les yeux la prodigieuse métamorphose qui s'est opérée dans le Sénat, au sujet du re tour à Paris, à la suite d'un ajournement de mandé et obtenu par M. Léon Say. Ils sem blent bien décidés à ne pas donner dans le même piège, et ce qui les encourage dans l'idée de brusquer le dénouement, c1 est que le gouvernement et la gauche semblent .aujour d'hui travailler sourdement en sens contraire Un des plus chauds partisans de la loi Ferry, M. Peyrat, devenu un des principaux meneurs de la gauche sénatoriale, dit très franchement dans les couloirs qu'il faut avant tout gagner du temps. Cependant, il serait possible que l'avantage de marcher vite n'apparût pas h tous les mem bres de la commission aussi clairement qu'à M. Jules Simon lui-même, et qu'il se pro duisît demain quelques dissentiments sur la meilleure tactique à suivre. Il s'en produira vraisemblablement sur le choix du président de la commission. M. Jules Simon comprend que sa situation est un peu fausse en cette affaire, et il tient à bien établir qu'il no se sépare des gauches que momenta nément, dans un intérêt supérieur, qui est ce lui de la République elle-même. C'est pour quoi, ce qui n'était hier qu'un racontar est devenu aujourd'hui une vérité. M. Jules Simon est résolu à faire nommer M. Schœlcher, c'està-dire un président pris dans la minorité. Sa voix suffira pour le triomphe de cette bizarre combinaison. Bizarre et regrettable, car il en résultera des froissements, peut-être des dé fiances parmi certains commissaires de la droite ; et on sera tenté de croire à un double jeu. , Un député facétieux m'expliquaitaujourd'hui pourquoi M. Jules Simon voulait absolument déférer la présidence de la commission à M. Schœlcher. C'est parce que M. Schœlcher a beaucoup travaillé à l'émancipation des noirs. Mon député en conclut que M. Schœlcher doit être, par cela même, partisan de la liberté des cléricaux. Je vous livre pour ce qu'elle vaut cette abominable plaisanterie. J'aime beaucoup mieux le mot d'une femme d'esprit, très bourgeoise, et pas cléricale le moins du monde, qui se moquait, dans un sa lon, de la loi Ferry. Comme on lui faisait re marquer que son hostilité ne s'expliquait point, puisqu'elle avait ses deux fils dans un lycée, et que sa piété éclairée, aussi bien que sa vertu sévère, devaient repousser également les su perstitions de la religiosité contemporaine et la casuistique des jésuites : « Que voulez-vous, dit-elle, la guerre aux Jésuites est horrible ment démodée ; sous Louis-Philippe, cela pas sait déjà pour une plaisanterie de mauvais goût ! » Enfin, puisque j'en suis sur les mots, en voici un troisième que j'ai entendu, de mes oreilles, dans un wagon de chemin de fer. Quelqu'un qui avait assisté à la fête de lundi soir, au Palais-Bourbon, et qui avait été frappé de la grande affluence de militaires qu'on y a, dit-on, rencontrés, manifestait sur ce point quelque étonnement, et même un peu d'in quiétude, devant un député du centre gauche. — «Pourquoi vous inquiéter, répondit l'autre, et que voyez-vous là de suspect ?» — Oh ! rien, sinon que cela ressemblait à un Satory civil !» Et pendant que nous y sommes, en voici un quatrième. Savez-vous comment on appelle le jeune Louis-Janvier de la Motte depuis sa con version aux principes républicains ? — Nivôse de la Mot tel Baron Grimm. P. S. — Nous recevons à l'instant une lettre de M. Braun, conseiller d'Etat. Nous l'insérons d'autant plus volontiers, quelle fait le plus grand honneur à celui qui l'a écrite et quelle nous permet de réparer une injustice involontaire. 17 juillet 1879. t Monsieur, » Si,dans vos» Lettres parlementaires » de ce jour, vous vous étiez borné à relever, à propos de ma nomination, que, jeune auditeur, j'ai chanté devant l'Empereur qui m'avait accueilli avec une grande bienveillance, je n'aurais rien trouvé à redire à votre chronique, car c'est la vérité, et je n'ai pas à la cacher. » Mais comme (peut-être malgré vous), la forme de votre article permet de supposer que ma nomination n'est en rien justifiée, je me dois à moi-même, je dois à tous les miens et au Gouvernement qui m'a nommé, do protes ter, et d'empêcher que ceux qui ne me con naissent pas, mais arriveraient à savoir qui est ce M. B... dont vous parlez, me jugent sur une semblable imputation. » Si j'ai été nommé conseiller d'Etat, c'est que j'ai vingt-six ans de services, dont vingtquatre au Conseil; c'est que, depuis 1874, j'é tais commissaire du Gouvernement au con tentieux, fonctions pour lesquelles (vous me forcez à ne pas être modeste), il faut plus « qu'une certaine habitude du métier. » » Voilà les litres qu'a eu à apprécier le Gou vernement que s'est librement donné mon,...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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