Extrait du journal
Je prends l'engagement de mener bon train l'analyse d'une petite pièce en deux petits actes jouée la semaine dernière à la Comédie-Française. Quelque plaisir que vous vous promettiez de ce récit, il est bien d'en mesurer la dose ; la satiété vient vite en loutes choses : témoin le bonheur conjugal de Jeanne et de Raymond. Quand ils se sont mariés, en s'aimant de toutes les forces de leur âme et en jurant de s'aimer toujours, Jeanne quittait le couvent, Raymond quittait Caroline. L'une regrettait peu ou point ses bonnes amies, l'autre un peu plus sa tonne amie. Ils ont, commencé par barricader leur bonheur de fraîche date contre les distractions du dehors au fond d'une campagne per due. Et là, attaquant l'un après l'autre chaque quartier de leur lune de miel, ils n'ont admis en tiers, pour les regarder man ger, que la femme de chambre de madame. On a dévoré ainsi trois énormes quartiers de lune ; on s'est donné une indiges tion, après quoi la satiété est venue. On s'attable encore, par habitude, par respect humain ; mais ce n'est plus, hélas ! que devant les restes d'une tendresse singulièrement refroidie. Madame agace Monsieur avec le sempiternel Miserere du Tro vatore et les romances du couvent ad usum puellx. Monsieur excite la jalousie de madame avec des soupirs anonymes qui s'envolent discrètement vers Caroline. Un ami de Raymond tombe comme un aérolithe au milieu de ce charmant ménage. Pour le mari, c'est le souvenir de la vie de garçon ; pour la femme, c'est un complice des trahisons d'un époux. Tous deux se trompent. Marien, jeune homme à marier de bonne compagnie et de bonne mœurs, est le lien providentiel de celte union dont les attaches flottent au vent de la tempête conjugale. Il prouve à Raymond que Caroline l'a toujours trompé, et à Jeanne, que Raymond n'aime qu'elle et ne la trompera jamais. Je n'ai pas d'objection sérieuse contre le succès agréable obtenu par la comédie de M. Edouard Pailleron. L'idée n'en est pas neuve au théâtre, et la pièce a été faite déjà bien des fois : loin d'être un défaut, c'est, je crois, une qualité. — La versification en est aisée, au point de sembler prosaïque et hachée : ce n'est pas un mal, le public n'avalant, sans faire la grimace, que les vers coupés en très petits morceaux. — Il y a dans les jeux de scène un soufflet qui a joué son person nage dans une fort jolie comédie de M. Dumanoir : assuré ment, dans la pièce de M. Dumanoir il était donné d'une façon beaucoup plus originale ; mais si le soufflet ken question a diverti le public une première fois, on peut en conclure qu'il ne saurait manquer de l'amuser une seconde, une vingtième,...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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