Extrait du journal

mais le moyen? quand son auteur s'est jugé si sévèrement luimême, le jour où il a dit : « A l'arbre on reconnaîtra le fruit ? » Le fruit est bon, excellent même ; vous voulez que les hommes èn mangent toujours, et vous déracinez l'arbre 1 Je vous crois; mais je ne comprends plus. ' ' ' , ' ' Dans cette question de l'humanité du Christ, M. Renan a'pu se laisser influencer par cette grande parole de son précurseur , de son saint Jean-Baptiste, le poète des Misérables, qui écrivait l'an passé, dans .un chapitre resté célèbre : « 11 faut écheniller Dieu ! » Mais Victor Hugo n'a pas dit : « Il faut couper le cou à Jésus-Christ, en tant que Fils de Dieu. » IL serait le premier à convenir aujourd'hui que M. Renan est allé un peu loin et un peu vite. Ce qui me passe, c'est qu'après avoir fait tomber une tête divine,' l'auteur de la Vie de Jésus n'en prétend pas moins faire marcher comme auparavant le catholicisme, qu'il baptise (page 332)-« la religion éternelle de l'humanité. » Lui, qui tfè croit pas aux miracles, s'il ajoute foi à ce miracle de sa façon, x-enoavelé de celui de saint Denis, sur ma parole, il peut les ad mettre tcus. Mais plus de gaieté déplacée. On pourrait m'accuser de mêler des légèretés inconvenantes à des choses qui veulent être trai tées d'une façon sérieuse : je me hâte donc d'aborder sans riré le cinquième Evangile selon Renan. L'auteur de la Vie de Jésus avoue avoir puisé aux quatre grandes sources authentiques: saint Mathieu, saint Marc,saint Luc et saint Jean. Rapportez-vous-en d'ailleurs à l'exégèse pour faire monter la vase du doute, du fond à la surface, et jeter des pierres dans ce courant limpide, qui réfléchit, avec une obstination qui importune M. Renan, l'image d'un Dieu. « Que les Evangiles soient en partie légendaires, dit-il, c'est ce qui est évident puisqu'ils sont pleins de miracles et de surnaturel ; mais il y a légende et légende.... sans cesser d'être en partie légendai res, les Evangiles prennent une haute valeur, puisqu'ils nous font remonter an demi-siècle qui suivit la mort de Jésus, et même, dans deux cas, aux témoins oculaires de ses actions. » Nous voilà fixés, nous voilà « sur un terrain solide, » pour employer une expression qui va revenir tout à l'heure avec plus de force encore sous la plume du biographe. Et, en effet, ser rant ses preuves dans sa préface, M. Renan ne nous permet plus de douter de l'authenticité historique du Nouveau Testa ment et de la sincérité de ses quatre secrétaires. Je résume ses arguments et j'écris au-dessus : IL FAUT CROIRE AUX ÉVANGÉLISTES. Matthieu mérite évidemment une confiance hors ligne pour les discours. Là sont les notes prises sur le souvenir vif et net dé l'enseignementde Jésus... Une force divine, si j'ose le dire (oser, mon sieur, osez !) souligne ces paroles, les détaché du contexte et les rend pour le critique facilement reconnaissabtes...'Les vraies paroles de Jésus se décèlent pour ainsi dire d'elles-mêmes... on les sent vi brer, elles se traduisent comme spontanément et viennent se placer dans le récit, où elles gardent un relief sans pareil. Les détails matériels ont dans Marc une netteté qu'on cherche rait vainement dans les trois autres. L'Évangile de Marc est bien plus ferme, plus précis (que celui de Matthieu)... C'est celui des trois Synoptiques qui est resté le plus ancien, le plus original... Il aime à rapporter certains mots de Jésus en Syro- Chaldaïque. Il est plein d'observations^minutieuses venant sans doute d'un témoin oculaire. . Rien ne s'oppose à ce que ce témoin oculaire soit Pierre lui-même. Pour Lucie doute n'est pas possible... L'évangile de Luc est une composition régulière, fondée sur des documents antérieurs... Nous sommes ici sur un terrain solide et de la plus parfaite unité. Enfin...