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Le Figaro, 20 novembre 1862

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Le Figaro
20 novembre 1862


Extrait du journal

dépêche télégraphique, distançant la plume du rédacteur, donne, dans, un procès célèbre, le résultat de l'arrêt qui vient couper court aux incidents des débats et à la joute brillante du réquisitoire et des plaidoiries. Le grand succès de la Patti est un fait acquis'à l'histoire du Théâtre-Italien, sans doute ; mais cela ne saurait suffire;\ Qui est-élle? D'où vient-elle? Quelles destinées lui sont promises? Tout cela, vous l'ignorez, et sans me flatter d'être de beaucoup plus ha]>ile, nous pouvons, si vous y mettez de la bonrie volonté, essayer de l'étudier ensem ble. ■ - : Un doigt de biographie pour commencer ; mais n'oubliez pas que je ne suis que l'écho d'autres échos plus ou moins fidèles. . Un homme aimable a bien voulu butiner, à mon intention^ à droite et à gauche, dans quelques feuilles publiées à Londres, des dates et des faits. Les dates son t. ex&cies; il, ne répond point que les faits, vrais au fond, n'aient étî quelque peu attournés par le ou les biographes de la Patti. Il me laisse, du reste, liberté entière de croire tout ou de rejeter ce qui me plaira : je n'entends pas imposer au lecteur, comme article de foi, ses doutes avec les miens. En supposant que la légende américaine se soit un peu enflée et allongée en passant en Angleterre, on peut rabattre quelque chose à l'imagination trop riche des ad mirateurs de la jeune virtuose : cela n'enlèvera rien à son ta lent ; donc, sans plus dé scrupule, je commence. Adelina Patti est née à Madrid, le 9 avril 1843. Elle a, par conséquent, dix-neuf ans et demi. Elle est fille de deux chan teurs sans grande réputation : Salvator et Catarina Patti. Elle fut élevée en Amérique où s'étaient fixés ses parents, après avoir perdu; dans les hasards d'une direction théâtrale, leurs modestes économies d'artistes. La première langue que parla, ou pour mieux dire, que chanta la petite Adelina, fut celle qui s'épèle avec les sept notes de la gamme. Elle interrogeait ou elle répondait en chantant. Comme sa mère la reprenait un jour de ce vilain défaut : — « Que veux-tu, maman? fit l'enfant de sa plus douce voix de fauvette, il est si aisé de chanter et si difficile de parler! » Cette anecdote, enjolivée après coup (ou je meure), sent d'une lieue son enfant sublime ; mais comme, après tout, la chose s'est passée en Amérique, il m'est plus facile d'y croire-que d'y aller voir. C'est en 1851 que la Patti se montra pour la première fois en public, sur le théâtre italien de New-York. Elle avait huit ans. Elle chanta à côté de Mme Bosio, qui la couvrit de caresses et l'ensevelit sous les bonbons. C'est à partir de ce moment qu'elle commença à faire de sérieuses études de chant sous la direction de son beau-frère, M. Maurice Strakosch, excellent pianiste. A vrai dire, de leçons de chant, Adelina Patti n'en a guère reçu que de son merveilleux instinct : on m'a assuré, par exemple, que M. Strakosh se borne, la plupart du temps, à improviser un trait sur le piano ; ce trait, presque toujours hé- * rissé de difficultés, est saisi au vol par la voix de la cantatrice, qui tantôt le répète sans en supprimer une note, tantôt le modifie, y ajoute ou en retranche, sans chercher, sans balan cer, et avec cette sûreté du mécanisme vocal qui lui permet dans l'imprévu les excursions les plus audacieuses et les plus heureuses. En fait de style, elle a beaucoup entendu, beaucoup retenu, ne s'est encore décidée à aucun choix, et sait par cœur les grandes cantatrices qu'il lui a été donné d'approcher et d'é couter une fois. On raconte (défiez-vous de cet on, il se dit journaliste anglais, je parierais pour un hâbleur gascon), on' raconte que pour dé cider la Patti à chanter en public, il fallait lui permettre d'em porter sa poupée avec elle. Un' soir, elle venait de fanatiser le public dans le Barbier, et on l'avait rappelée une vingtaine de fois. Elle en était à sa dernière révérence, lorsqu'elle avise et reconnaît dans une loge d'avant-scène une petite fille de ses amies : — « Nelly, lui cria-t-elle, jetant là ses bouquets, ou bliant son rôle avec son auditoire, — Nelly, viens-t'en dans ma loge ; tu verras ma poupée ; nous la déshabillerons, nous la coucherons, nousla fouetterons ensemble !»—Si cela était seule ment vraisemblable, le joli effet de scène ! qu'en pensez-vous ?...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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