Extrait du journal
M. Marquef, sans attendre la réunion du conseil central du parti socialiste de France qui devait statuer aujourd'hui sur son cas, a adressé hier soir la lettre de démission suivante à M. Déat, secrétaire général : Mon cher Secrétaire général, Après la réunion à laquelle j'ai assisté vendredi, il est clair que j'aurais été placé demain devant ce dilemme : quitter le gouvernement ou quitter l'organisation que nous avions fondée ensemble. Je me refuse à laisser poser, en termes aussi personnels, un problème essentielle ment politique. Une situation internationale dramatique, un pays désorganisé et qui paraît douter de soi-même, des classes laborieuses qui pâtissent de la crise, comme elles seraient meurtries par la guerre : voilà la réalité avec laquelle nous sommes aux prises. C'est avec la volonté de surmonter ce désordre, gros de toutes les menaces, que je suis entré dans le Cabinet de trêve. Depuis, la situation politique a évolué ; mon état d'esprit et ma résolution sont restés les mêmes. Le gouvernement récemment remanié a-t-il l'énergie et la cohésion nécessaires pour répondre'-demain au besoin d'action du pays comme il répondait hier à son désir d'apaisement ? Des débats de la plus haute importance, retardés par la tragédie de Marseille et le voyage de M. le président de la République en Yougoslavie, nous l'apprendront bien tôt. Alors je serais en mesure de juger en conscience si nia collaboration au gouver nement doit continuer. Entré dans le gouvernement à titre per sonnel, je veux rester maître d'une déci sion qui ne sera dictée que par le souci de l'intérêt de la nation. Pour la prendre en_ pleine et indispensable indépendance, j'ai l'honneur de vous adresser, mon cher Secrétaire général, ma démission de mem bre du parti socialiste de France. Cette lettre, transmise à la presse à une heure du matin, avait été précédée d'une entrevue dans le courant de la soirée entre M. Marquet et M, Doumergue. Le mi nistre du travail avait mis le président du Conseil au courant de son intention. M- Doumergue lui avait répondu que les néo-socialistes n'ayant jamais vote- pour le cabinet, sa démission de . son . parti ne changeait rien. BILLET DU DIMANCHE LE N1VEAUJBA1SSE On a écrit que les deux morts à qui la nation cette semaine, a fait dè belles funérailles, Louis Barthou et Raymond Poincaré, souffraient eh ces derniers temps d'une certaine diminution de qualité dans les masses parlementaires, avec lesquelles, depuis leurs débuts, ils avaient l'obligation d'un contact journalier. Il est douteux que ces deux hommes, aussi réservés que courtois, aient jamais fait confi dence à personne d'un sentiment que Barrés lui-même ne trahissait qu'avec des précautions; mais quîils aient- éprouvé en leur for inté rieur, je ne veux pas dire ce dédain : ce mal aise, ce n'est pas là une hypothèse impro bable. Par leur culture, par leur excellente éducation- bourgeoise, ces deux politiques lettrés étaient des parlementaires d'un modèle déjà ancien ; il est concevable qu'ils se trou vassent dépaysés dans un milieu où (sauf d'encore nombreuses et fort brillantes excep tions) la culture est, comme ils parlent, « sousestimée », et où les plus discrètes élégances de langage, ainsi le vous pour le tu, quand .on a pris un verre ensemble à la buvette, passent pour des formules fascistes, ou enfin c'est le mauvais ton qui est le bon. Je ne sais tout cela que par ouï-dire, car je n'ai de ma vie mis les pieds à la'Chambre; mais un ami, qui est tenu par profession d'y fréquenter, me disait l'autre jour, parodiant la phrase bien connue Tant que l'on recrutera l'armée dans le civil : « Ces mœurs ne chan geront pas tant que l'on recrutera le Parlement au Café du Commerce. » Encore une fois, je ferais scrupule d'avoir, et même d'exprimer, une opinion touchant une espèce de la société que j'ignore. Ce qui m'a mis sur ce sujet, c'est la baisse de niveau que j'ai cru, moi aussi, remarquer, non point là seulement, mais un peu partout, et qui fait qu'un Français cultivé moyen se sent pareille ment mal à son aise et dépaysé jusque dans la compagnie qui s'intitule encore la bonne compagnie. Je ne dis pas « un Français moyen ». J'ajoute « cultivé ». Il y a une nuance. Elle est modeste. Je tiens à le marquer, afin que l'on ne taxe pas d'outrecuidance ce Français cultivé moyen qui ne croit plus être de plainpied avec ceux de sa catégorie et qui en souffre. Ibsen a dit que l'homme le plus grand est le plus seul. Tant pis pour lui : d'ailleurs, il a des compensations. Mais le Français cultivé moyen n'est pas fait pour être seul. Il n'a de plus aucune vanité naturelle. Sa supériorité de fait, qu'il est bien forcé de constater, l'étonné et ne le flatte pas. Il n'est pas fier,il est honteux d'être, en effet, supérieur à si bon marché. Il n'y a rien d'enivrant à passer pour un homme qui sait tout, quand on est le premier à savoir combien sont élémentaires les pauvres choses que l'on sait. Qui donc a écrit: « J'ai de l'orgueil quand je me compare » ? Voilà un cas où la comparaison, si avanta geuse qu'elle soit, ne ..provoque nul orgueil. Le Français cultivé moyen éprouve une autre gêne quand il veut communiquer sa pensée, qui n'a rien de sorcier pourtant. Ses expressions les plus simples sont entendues de travers ou ne sont pas du tout comprises. On n'aurait plus lieu de rire d'un acteur plein de talent, mais peu fûté, qui demandait à l'auteur : « Expliquez-moi donc votre texte, je ne sais pas dire ce que je ne comprends pas. » La réplique obscure était quelque chose comme Nicole, apportez-moi mes pantoufles et me donnez mon bonnet de nuit. Abel Hermant, de l'Académie française....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - doumergue
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