Extrait du journal
LA MAISON DO GRÉCO Je lis — ah! que les journaux sont plaisants à lire, lorsqu'on n'en a pas lu depuis deux mois! — je lis que le Chili a été prié de présider le comité « pour l humanisation de la guerre civile » et qu'il fait notam ment des efforts afin que le musée du Prado ne soit pas bombardé. Je ne doute pas de la bonne volonté du Chili quoique les affaires d'Europe se trouvent bien éloignées de ses préoccupations ordinaires ; je ne doute pas que les Chiliens aient à cœur ae sauver de la destruction les Velasquez, les Bibera, i'Enterrement du comte d'Orgaz et cette charmante Maja nue que, par un raffinement de coquetterie, Goya a voulu également nous montrer habillée. Je ne doute pas non plus que le Chili ait hor reur de la guerre civile; et nous lui savons gré d'avance de ses efforts. Mais ceci écrit, laissez-moi ajouter qu'un comité pour « l'humanisation de la guerre civile » me semble une entreprise qui ferait sourire les gens ayant un peu le sens de l'ironie, si tant de meurtres exécrables, si tant de cruautés quotidiennes laissaient une place au sourire. Il y avait, à Tolède, un délicieux endroit. Sur une pente de la ville, dans une maison qui conservait le galbe de son âge, on avait installé un petit musée du Gréco. On avait nommé cette demeure la Maison du Gréco, quoiqu'il ne fût aucunement certain que ce peintre y ait jamais habité. Mais ses « amis » avaient tout fait pour qu'on en eût l'illusion. L'endroit était 4'une paix ensorce lante : on y découvrait la descente de. Tolède vers ses fortifications et c'était un enchevêtrement de toits, de murs, d'où s'élevaient des cris d'enfants et ces bribes de chansons qui, en Espagne, coupent si souvent une discussion. Je me rappelle avoir visité cette maison à l'heure ardente et je contemplais, à l'abri d'un coin d'ombre, son petit jardin où des oi seaux faisaient une sarabande ailée. Cela m'apparut un endroit élu, un secret du bonheur. Je ne jurerais pas que la douceur, le calme divin, et les charmes soignés de la pierre eussent été le séjour rêvé du Gréco, auquel on accorde volontiers plus de tourment. Mais on admirait qu'on lui eût dédié cet endroit, qu'on y eût abrité son souvenir, qu'on pût s'y recueillir en pensant aux créa tures inoubliables qu'il nous a lé guées. Voilà l'homme dans ce qu'il a d'estimable : quand il protège, con serve, humanise le souvenir. Qu'est devenu ce jardin sous les rafales ? J'apprends que la fameuse Posada où. Cervantes a écrit J'Illustre Fregona est détruite! Et tofites ces des tructions ne sont pas surprenantes. Dirais-je même qu'elles sont peu de chose quand une nation s'entretue ? Qu'on ne nous parle donc pas « d'hu maniser » l'inhumain. Ce n'est qu'une hypocrisie. Une de plus. fîuermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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